Lors de ses vœux du 31 décembre, le président ivoirien Alassane Ouattara a annoncé que les soldats français présents en Côte d’Ivoire allaient quitter le pays. Un retrait de plus pour Paris, après le Sénégal et le Tchad, qui avaient emboîté le pas au Mali, au Burkina Faso et au Niger.

Aux dernières heures de 2024, Alassane Ouattara s’est finalement invité à la fête. Le chef de l’État ivoirien a profité de ses vœux pour officialiser la rétrocession de la base militaire française d’Abidjan à l’armée de son pays, et ce dès janvier. Mieux, il a annoncé le retrait des forces de l’ancienne puissance coloniale stationnées en Côte d’Ivoire.

« Nous pouvons être fiers de notre armée dont la modernisation est désormais effective. C’est dans ce cadre que nous avons décidé du retrait concerté et organisé des forces françaises en Côte d’Ivoire », a-t-il déclaré. Environ un millier de soldats français étaient déployés dans la base d’Abidjan, notamment dans le cadre de la lutte contre les jihadistes au Sahel.

Cette annonce n’est pas une surprise. Dans un entretien donné à Jeune Afrique en juillet dernier, le ministre de la Défense ivoirien, Téné Birahima Ouattara, frère du chef de l’État, avait assuré que la rétrocession de la base française était en négociation. Paris travaille également depuis de longs mois à la reconfiguration de sa présence militaire en Afrique.

Annonces en série

En Côte d’Ivoire, celle-ci devrait désormais être très limitée. Selon nos informations, la solution retenue serait le maintien de quelques dizaines d’hommes – une centaine au maximum – dans le cadre de missions de coopération et de formation. Ces ajustements avaient été évoqués par l’envoyé personnel d’Emmanuel Macron pour l’Afrique, Jean-Marie Bockel, qui s’est rendu à Abidjan en février 2024.

Néanmoins, l’annonce d’Alassane Ouattara intervient dans un contexte particulier pour la France en Afrique. Le 28 novembre dernier, le Sénégal et le Tchad avaient en effet annoncé coup sur coup, et à la surprise quasi générale, la fin de la présence des militaires français sur leur sol.

Un souhait confirmé par le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye le 31 décembre. « J’ai instruit le ministre des Forces armées de proposer une nouvelle doctrine de coopération en matière de défense et de sécurité impliquant, entre autres conséquences, la fin de toutes les présences militaires de pays étrangers au Sénégal dès 2025 », a déclaré le chef de l’État lors de ses vœux. La France disposait jusqu’ici de quelque 350 hommes au Sénégal.

« Vent souverainiste »

Mais c’est surtout du Tchad qu’est venue la surprise de la fin d’année pour l’armée française. Au soir d’une visite houleuse du ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot à N’Djamena, le gouvernement tchadien avait unilatéralement annoncé le 28 novembre la rupture des accords de coopération militaire avec Paris.

Depuis, le président Mahamat Idriss Déby Itno a répété son ambition de voir les soldats français quitter rapidement le territoire tchadien. La France a entamé ce mouvement, en rapatriant notamment ses avions Mirage-2000 dès le 10 décembre, et N’Djamena espère obtenir un retrait total de l’armée française avant le début du mois du ramadan, en février.

Ainsi, Côte d’Ivoire, Sénégal et Tchad emboîtent le pas au Mali, au Burkina Faso et au Niger aujourd’hui regroupés au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), tandis que seuls le Gabon et Djibouti devraient encore accueillir une base française à la fin de l’année 2025. « Les situations sont différentes mais on ne peut pas nier qu’un vent souverainiste souffle », analyse un diplomate ouest-africain.

« Même si les relations sont mauvaises entre la Cedeao et l’AES, l’Alliance a provoqué cet engouement souverainiste qui répond à certaines aspirations des populations partout en Afrique francophone. Même pour la Côte d’Ivoire et Ouattara, qui reste un allié sûr de Paris, il y a un risque politique à apparaître comme inféodé aux Français », poursuit cette source.

« Peut-être inévitable »

« Alassane Ouattara ne veut pas se laisser dicter sa politique étrangère par des chefs d’État putschistes. Mais d’un autre côté, il ne peut pas ignorer le courant souverainiste en Afrique de l’Ouest, et il ne peut pas se permettre de paraître moins souverain que son homologue sénégalais Bassirou Diomaye Faye par exemple », conclut le diplomate.

« On n’a pas suffisamment pris en considération ces aspirations souverainistes. Nous aurions dû les accompagner et décider de notre retrait plutôt que de fermer les yeux. Il y a eu la mission de Jean-Marie Bockel, mais cela a sans doute été trop lent et tardif. Résultat, aujourd’hui, le calendrier nous est imposé et la rupture pourrait être plus douloureuse », reconnaît une source sécuritaire française.

En 2017 à Ouagadougou, peu après son élection, le président français Emmanuel Macron appelait les Africains à « inventer ensemble une [nouvelle] amitié ». Le discours avait été salué. Mais il n’a que très peu été suivi d’effets. « Il y avait une volonté de changer de méthode, de s’appuyer sur les sociétés civiles et la jeunesse pour accompagner le changement », explique notre interlocuteur.

« Mais cela n’a pas fonctionné. On s’est reposé sur nos acquis et on a finalement été dépassé par ce fameux sentiment anti-français alimenté, certes, par d’autres puissances comme la Russie, mais qui cache un vrai désir d’indépendance. C’était peut-être inévitable. Cela dit, si cela peut nous pousser à travailler à une véritable refondation de nos rapports avec l’Afrique, c’est un mal pour un bien », conclut-il.

Jeune Afrique

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