ÉDITORIAL PAR MAMADOU MOUTH BANE LIBERATION DU PRESIDENT HISSEIN HABRE. 

30 juin 2013 – 06 avril 2020. Le Président Hissein Habré a passé 07 ans en prison. Son arrestation avait suscité beaucoup de commentaires, aussi bien au Sénégal, au Tchad qu’en Europe. Certains ont été, d’ailleurs, surpris de remarquer la forte agitation des Occidentaux pour la tenue de son procès. Pourquoi une affaire africaine et tchadienne intéresse-t-elle autant les Occidentaux ? Le jour du verdict, ce sont eux qui se congratulaient, comme si la France venait de remporter la Coupe d’Afrique… Oui, nous avons bien dit « Coupe d’Afrique ».

Les Africains engagés dans la procédure contre Habré étaient stupéfaits de voir les «toubabs» rougir de joie, lors de l’annonce du verdict.

En vérité, la condamnation d’Habré était une commande publique, exigée par les puissances occidentales et exécutée par les services à leur solde. Il fallait que la « Françafrique », qu’Habré a toujours décrié lorsqu’il était président de la République, lui fasse regretter son mépris contre les Occidentaux. Habré était considéré, par le Président Mitterrand, comme « un homme suffisant, qui prenait trop de liberté dans ses rapports avec la France ». Il a osé chasser les entreprises pétrolières françaises du Tchad. Il a toujours été dans le collimateur de la République française, tout comme Thomas Sankara.

Habré et Sankara ont des similitudes dans le sort respectif. Ils ont été, tous les deux, trahis par leur plus proche collaborateur : Blaise Compaoré et Idriss Deby. Les Français se sont appuyés sur ces deux pour se débarrasser de Sankara et d’Habré. Lors de l’attaque de Ndjamena, par les troupes de Deby, en 1990, l’objectif était d’assassiner Habré. Mais ce dernier, qui avait déjà bâti un État, avec des Institutions qui marchaient pendant huit ans, avait préféré se retirer du Pouvoir, afin de préserver des vies. Sa résistance allait encore plonger le Tchad dans une guerre civile, or Habré voulait mettre fin à ce cycle de guerres et de violences qui a démarré depuis 1960, sous le magistère du Président François Tombalbaye.

Le Tchad est totalement différent du Sénégal. Dans ce pays, la fracture entre le Nord et le Sud est forte et visible ; c’est une réalité vivante et palpable. Il en est de même dans les relations entre les musulmans et les chrétiens, sans oublier les fractures ethniques. Les acteurs politiques s’identifient à des tribus si nombreuses… Jusqu’à l’arrivée d’Hissein Habré à la tête du pays, les chrétiens ont toujours contrôlé le pouvoir politique.
C’est Habré qui a mis fin à la domination des chrétiens et des gens du Sud. Son procès à Dakar avait des dimensions aussi bien religieuses qu’ethniques. Car, de l’avis de beaucoup de Tchadiens du Nord musulman, Dakar a favorisé les chrétiens du Sud, contre l’icône  de la libération du Tchad. Au lieu de réconcilier le pays, le procès tenu à Dakar a accentué les fractures sociales, religieuses et politiques dans ce pays dirigé par Idriss Deby, qui appartient à l’ethnie Zaghawa.

La France voulait la tête d’Habré

Les chefs d’État français, comme Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Hollande, allaient s’opposer de tout leur poids à cette libération d’Habré, parce que ce sont des leaders du passé qui ont été parties prenantes dans la guerre au Tchad. Emmanuel Macron n’est pas de cette époque, ni de cette obédience politique. C’est-à-dire ni de la Droite, ni de la Gauche française.
Le Parti Socialiste (PS) français avait inscrit l’affaire Habré sur la liste des super-priorités dans les dossiers africains. Le socialiste Abdou Diouf avait pourtant accordé l’asile politique à Habré, en 1990. Il avait mis à sa disposition, l’avion présidentiel, qui l’a ramené à Dakar, du Cameroun où il était, lorsqu’il avait quitté le Pouvoir.

Mais, malgré cela, la France et la Libye n’avaient pas lâché Habré. Abdou Diouf avait refusé le chantage de Kadhafi, qui avait exigé le transfert d’Habré en Libye, comme condition pour participer au premier sommet de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) à Dakar. Diouf avait totalement refusé. L’ancien Guide libyen n’a jamais digéré sa défaite face à Habré, qui avait battu l’armée libyenne. Il avait remis la bande d’Aouzou à son pays, alors que Kadhafi et Mitterrand avaient déjà ficelé le plan de partage du Tchad.

Les partisans d’Habré avaient saisi beaucoup d’armes libyennes et avaient capturé des prisonniers dans les rangs de l’armé libyenne, parmi lesquels des mercenaires sénégalais, engagés dans cette guerre par un marabout sénégalais. Habré avait d’ailleurs, à l’époque, accepté de libérer tous les prisonniers sénégalais. Et c’est à Moustapha Niasse, actuel président de l’Assemblée nationale, qu’il avait remis les combattants sénégalais.

Entre le Sénégal et le Président Habré, c’est une histoire ancienne. D’abord, lorsqu’il était étudiant en France, Habré avait des amis sénégalais, membres de la Fédération des Étudiants d’Afrique noire en France (FEANF). Lorsque le mot d’ordre fut donné aux étudiants pour qu’ils rentrent dans leurs pays respectifs, pour participer à la bataille de la décolonisation de l’Afrique, Habré avait répondu à cet appel et était rentré au Tchad. Il rejoignit la rébellion.

Dans les années 80, il sera reçu par le premier président de la République du Sénégal, Léopold Sédar Senghor. Habré était logé à l’ancienne résidence du défunt Président Mamadou Dia, sise à la Médina. Ce qui l’avait le plus marqué, c’était l’heure de son audience avec Senghor, qui lui avait donné rendez-vous à 07h. A l’heure indiquée, Habré est arrivé à la Présidence de la République, Senghor était debout et il l’attendait.

A l’époque, Hissein était dans la rébellion. Il avait le soutien de plusieurs pays arabes, surtout ceux qui s’opposaient au régime de Kadhafi, qui voulait devenir le leader de la Ligue Arabe, devant des hommes comme Hassan II, Hosni Moubarak, Ben Ali, Yasser Arafat, etc. Mais Habré comptait sur le soutien du Sénégal. Au cours de son tête-à-tête avec le Président Senghor, il lui fait la situation dans son pays et a sollicité l’aide du Sénégal. Très touché par le discours d’Habré, séduit par son engagement et sa vision panafricaniste, Senghor le mit en rapport avec l’un de ses amis, le Roi Hassan II du Maroc. Il appelle Moustapha Niasse pour lui demander d’accompagner Habré, après avoir joint Hassan II au téléphone, pour lui demander de soutenir Hissein Habré. Ce qui fut fait.
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On peut affirmer, alors, que le premier soutien d’un pays étranger en faveur du Président Habré venait du Sénégal. Le Maroc avait fait le nécessaire. Alors, le lien entre Hissein et le Sénégal a un fondement solide et ancien. Voilà, pourquoi, son arrestation avait heurté toutes les personnes qui ont connu l’histoire du Tchad et les différentes péripéties de la vie politique de ce pays. Habré n’est pas un criminel. Il a libéré le Tchad de la domination française et occidentale, en général. Et il a perdu plusieurs milliers de ses partisans et ses parents proches dans cette guerre. Personne n’en parle. Et pourtant, plusieurs soldats blessés du camp d’Habré ont été exécutés dans un hôpital à Ndjamena.

Lorsqu’il a quitté le Pouvoir, les Français ne voulaient pas qu’Habré continue d’influencer l’élite et la jeunesse africaine par son discours et son parcours. Il fallait, alors, casser le mythe en lui administrant une leçon qui allait servir aux prochaines générations. Pour la « Françafrique », Hissein Habré, Gamal Abdel Nasser, Me Abdoulaye Wade, Thomas Sankara, Kwamé Nkrumah, Sékou Touré, etc., étaient des contre-modèles qu’il fallait détruire. Malheureusement pour elle, les Africains ont bien compris que le sens du combat de ces hommes. Là où l’Europe produit ses références, qu’elle cite comme exemple et les impose à l’Afrique, comme le test du vaccin contre le Covid-19, la « Françafrique » s’est toujours attelée à décrédibiliser les modèles africains.
 
Les vérités d’Habré qui ont choque la France
 
Au cours d’une interview qu’il avait accordée à une journaliste française, le Président Habré a asséné des vérités qui ont choqué l’élite de la France. Il était encore président du Tchad. Il disait : « Concernant le multipartisme, c’est un sujet à la mode, très controversé. Mais le problème à mon sens, n’est pas le multipartisme.  Le problème c’est la démocratie. Le problème c’est la participation des citoyens aux affaires qui les concernent. Que les populations prennent en main leur destin. Maintenant quelles sont les formes de cette démocratie et de cette liberté. Ça peut être le multipartisme ». Le Président ajoutait : « Il peut y avoir d’avoir d’autres formes de pluralismes politiques. Chaque Nation, chaque Etat, chaque Peuple doit lui-même inventer, secréter le système démocratique, le système de liberté qui lui convient. Je ne suis ni contre le multipartisme, ni pour le multipartisme sans nuance ». L’ancien président tchadien se demande « pourquoi le monde occidental, de façon parfois choquante, veut imposer à tout le monde son système ? ».

Habré avait dit à la journaliste : «Nous sommes en droit de nous poser cette question, vous, vous êtes en droit de vous poser cette question. Pourquoi vous nous dites que, ce qui est bon pour vous, est bon pour nous.  Alors que l’histoire est là. L’Occident n’a  jamais été un modèle de démocratie et de liberté. Soyons sérieux. Vous nous avez toujours écrasés dans l’histoire, depuis la traite des nègres qui a fait entre 200 et 500 millions de déportés, de morts ». Il poursuit : « La colonisation qui a été une tragédie terrible pour l’Afrique. Aujourd’hui, le néo colonialisme, vous nous dominez sous tous les rapports.  Vous nous exploitez sous tous les rapports économiques, culturels, politiques, diplomatiques, militaires. Et vous prétendez que notre bonheur c’est  ce que vous nous dites. Or dans la pratique, vous avez toujours fait le contraire ».

Et Habré d’ajouter : « Franchement, dans ce domaine, nous n’avons pas à recevoir de leçon de ceux qui prétendent être des démocrates, mais qui ne le sont pas, de notre point de vue. Ils n’ont jamais été démocrates et ils ne le sont pas. Alors, laissez nous trouver en toute liberté parce que soyez convaincus que nous aussi, nous aimons la liberté. Nos peuples aiment la liberté, la démocratie. C’est dans la nature de l’être humain ». Habré martèle, « mais acceptez que nous avons notre histoire, nos cultures, nous avons nos problèmes. Plutôt aidez-nous, puisque vous avez fait votre bonheur, votre fortune sur notre dos durant des générations. Et aujourd’hui, au lieu de nous aider, vous faites le contraire ».

Ces propos du Président Habré, que les jeunes activistes africains reprennent aujourd’hui, ont fait le tour du monde. Et ils avaient le mérite d’irriter l’élite politique française.

C’est durant son magistère que son successeur, Idriss Deby, a été coopté pour subir une formation en France. En vérité, il y était pour une mission bien précise, dont la finalité était de renverser Habré. Il sera encadré par le Capitaine français Galopin. L’armement et la formation des rebelles étaient assurés par la France, et le Soudan a été le point de départ du coup d’État contre Habré.
 
Idriss Deby a trahi les autorités sénégalaises

Idriss Deby a trop peur d’Hissein Habré. Durant tout le temps qu’Habré était en liberté, de 1990 à 2013, l’actuel président du Tchad ne dormait que d’un seul œil. Il pensait qu’à tout moment, Habré pouvait le renverser. Il était devenu paranoïaque. C’est pourquoi, le jour où Hissein a été arrêté à Dakar, le lendemain a été décrété journée chômée et payée au Tchad. Une enveloppe de 50 millions de francs CFA a été dégagée pour organiser des festivités. Ce sont les partisans de Deby, de l’ethnie Zaghawa, qui célébraient cette arrestation. En direct à la télévision nationale, le Président Deby a fait une déclaration publique, faute de pouvoir étouffer sa joie.

Beaucoup de choses se sont passées, entre Dakar et Ndjamena, avant l’arrestation du Président Habré. L’ancien Directeur de Cabinet du Président Macky Sall, Mouhamadou Makhtar Cissé, avait effectué, nuitamment, une mission au Tchad à bord d’un vol spécial. Il était porteur d’un message du Président Macky Sall. Beaucoup de commentaires ont été dits sur cette visite.
 
Reed Brody donne des ordres de l’État du Sénégal

Mais, le plus gênant dans ce dossier africain, c’est l’immixtion de cet Américain, Reed Brody, conseiller juridique de Human Right Watch. Il est le véritable maitre des poursuites dans cette affaire. Il est connu de la presse sénégalaise, africaine et occidentale. C’est lui qui a été en amont et en aval de l’arrestation d’Habré. Tous les acteurs de la Société civile sénégalaise lui obéissent, sans rouspéter. Il rédige les communiqués, définit les stratégies, paie les commissions, choisit les avocats de la partie civile et de la défense. Il gère la presse, le Parquet, les Juges. Bref, Reed Body était la pièce maîtresse dans cette affaire. Il était le mentor de Mme Aminata Touré et de Me Sidiki Kaba, alors qu’ils étaient tous ministres dans le Gouvernement.

Au Sénégal, tous les désirs de Body sont des ordres. Même pour certaines décisions des Chambres africaines extraordinaires (CAE), c’est lui qui les inspirait. D’ailleurs, il s’est arrogé le droit de publier un communiqué de presse hier, mardi 7 avril 2020, pour encore donner des ordres aux autorités sénégalaises. Comment cet Américain a-t-il eu l’audace de poursuivre un chef d’État africain, alors que son pays est à l’origine de presque toutes les grandes guerres, durant ces 30 dernières années, à travers le monde.

Reed Body devrait penser à poursuivre Georges Bush, instigateur de la guerre en Irak, avec ses millions de morts. Pourquoi il ne s’intéresse pas à ce qui se passe en Libye, dont l’ancien président français, Nicolas Sarkozy, est l’unique responsable. Le bilan des morts a dépassé le million en Libye, depuis 2010, avec ses conséquences sur le plan sécuritaire dans le Sahel. On peut encore remonter l’histoire pour citer des preuves de crimes contre l’humanité, impliquant des autorités américaines. Pendant qu’on y est, combien de Tchadiens Idriss Deby a massacrés depuis 1990 ? Relisez les derniers rapports d’Amnesty International sur le Tchad, où la torture, les exactions, la corruption, l’assassinat d’opposants sont banalisés. Et il faut revoir les photos de Reed Brody, entre 2000 et maintenant, pour se rendre compte de son bon état de santé financière, depuis la libération des fonds destinés au procès.

Deby est un dictateur, sans gants ni d’état d’âme. Combien de journalistes a-t-il chassés du Tchad, parce qu’ils voulaient faire une enquête sur sa gestion et les cas d’assassinat ? Aujourd’hui, la France protège Deby à cause de l’Opération Barkhane, dont la base se trouve à Ndjamena. Barkhane permet à Paris d’avoir un œil sur les ressources naturelles dans le Sahel : or, uranium, pétrole, phosphate. Voilà pourquoi, les Français soutiennent Idriss qui leur a offert tout le territoire tchadien.

Lors de l’instruction dans l’affaire Habré, Deby avait provoqué un incident avec certains membres des Chambres africains extraordinaires (CAE), à qui il réclamait le remboursement de son argent. Pourquoi leur avait-il donné de l’argent, alors que le financement du procès était déjà dégagé ? Deby n’a jamais cru à la tenue de ce procès car, pour lui, il fallait acheter la condamnation du Président Habré. Un point, c’est tout.

Beaucoup de choses se sont passées durant ce procès. D’abord, il  n’y a jamais eu d’enquête à décharge. C’était une procédure en sens unique, dans laquelle tous les éléments étaient réunis pour la condamnation d’une seule personne. Deby avait refusé de remettre aux juges les autres supposés complices d’Habré, et il avait du mal à se retenir lorsqu’il avait appris que des Tchadiens avaient commis l’avocat sénégalais, Me Mbaye Jacques Ndiaye, pour le poursuivre. La plainte a été déposée et acceptée par les CAE. Ce jour, Deby a cru que «ses amis juges» l’avaient trahi.

En prenant la décision d’organiser ce procès, le Président Sall espérait que les droits d’Habré allaient être respectés. Macky Sall n’a jamais réclamé la condamnation de l’ancien président du Tchad. Il avait fait confiance à Mme Aminata Touré et Me Sidiki Kaba, qui étaient parties prenantes dans la procédure. Car, avant de devenir ministre, Me Kaba était l’avocat des victimes présumées. Par la suite, le Président Macky Sall avait perdu le fil du dossier. Toutes ses instructions ont été bafouées. Habré était entre les mains de ses pires ennemis.

Le rôle joué par les ONG sénégalaises a aussi été déterminant dans le procès. Ces Organisations ont reçu beaucoup d’argent. Une partie importante du financement du procès a été virée à certaines organisations de la Société civile. Les séminaires, les voyages, les conférences, les audiences étaient facturés par heure, sans oublier les billets d’avion et les frais d’hôtel.

Le procès d’Habré était organisé de bout en bout par la France et le Tchad. Tout le reste n’était qu’un habillage, même si des pays comme la Belgique, les États-Unis, la Hollande, l’Allemagne avaient participé au financement, dans le cadre de l’Union  européenne ou de l’Otan. Comme c’est un dossier piloté par la France, les autres pays de l’UE sont obligés de donner leur participation. C’est cela la solidarité intereuropéenne.

Mais, c’est juste après la condamnation d’Habré que Deby a commencé à poser des actes politiques contre le Sénégal. Le premier acte de trahison du Président tchadien contre le Sénégal, c’est lors du vote pour le poste de président de la Commission de l’Union africaine. A la surprise générale, le Président Deby, qui avait promis de soutenir le candidat de Macky Sall, Pr Abdoulaye Bathily, a présenté un candidat. Il s’agit de Moussa Faki Mahamat. Pis encore, Deby a déployé tous ses moyens pour battre le candidat de Macky Sall. Le président du Tchad ira battre campagne au Mali qu’il a aidé dans la guerre contre le terrorisme. Il ira au Niger, en Mauritanie, au Burkina Faso, des pays avec lesquels il partage le G5 Sahel. En Afrique centrale, il rafle tout grâce au soutien des pays de la Cemac. Abdoulaye Bathily sera éliminé dès le premier tour. C’est ainsi que le Sénégal a perdu ce poste.

Par la suite, Deby s’opposera à l’entrée du Sénégal dans le G5 Sahel. A cause de l’intervention de son armée dans la lutte contre le terrorisme dans la sous-région ouest-africaine, Deby gagne toujours ses duels face à certains de ses pairs. L’armée tchadienne a participé à la guerre contre Boko Haram et Aqmi, au Mali, au Nigéria, au Niger, au Cameroun. Il essaie de jouer sur son influence dans la zone, pour imposer son leadership.
C’est, également, après l’arrestation d’Habré que Deby s’était davantage rapproché de l’ancien président de la Gambie, Yahya  Jammeh. Pour rappel, l’ancien dictateur gambien était le principal bailleur des rebelles du Mfdc. Et plusieurs chefs d’État passaient par la Gambie pour financer la rébellion casamançaise. A la suite d’un coup d’État en Gambie, Jammeh, de retour de la Mecque, avait fait escale à Ndjamena. Idriss Deby devrait lui donner des mercenaires tchadiens, qui devaient venir à Banjul rétablir le régime de Yahya. Leurs relations étaient renforcées par leur opposition, sans raison, au Sénégal. Lorsque Jammeh a perdu le pouvoir, Deby avait envoyé un avion-cargo pour amener ses bagages à Malabo.

Aujourd’hui, la libération d’Hissein Habré s’est opérée dans un contexte marqué par la mort de plus de 200 soldats tchadiens, suite à une attaque des terroristes de Boko Haram à Bouhouma, dans la région du Lac Tchad. L’opinion publique tchadienne était fortement touchée par la mort de ces soldats. Les images de leur corps jonchés au sol ont fait le tour du monde. Deby, pour reprendre le contrôle de la situation après ce carnage, est allé au front pour mener la contre-offensive. En ces moments, l’État tchadien connait des difficultés de trésorerie, avec des arrières salaires et d’incessantes grèves de travailleurs. S’y ajoute la rébellion au Nord, qui tente de renverser le pouvoir de Deby. Le président du Tchad accuse le Qatar d’avoir financé une rébellion, avant de nouer un partenariat avec le Général Haftar pour chasser les rebelles au Sud de la Libye, qui entrent sur le territoire tchadien par le Nord.
 
Macky Sall ne s’arrêtera pas en si bon chemin

Les membres des Associations des victimes, devenus des «marchands ambulants» entre Dakar et Ndjamena, ont tout tenté pour empêcher la libération du Président Habré. Récemment, ils ont publié des communiqués pour exercer une pression sur le Président Macky Sall. Mais, ils ne savaient pas que l’homme déteste le chantage et les surenchères. Le Président Sall est hostile aux chantages.

Le Président sénégalais vient de montrer, à tout le monde, qu’il est un homme qui s’attache à la vérité. Il avait laissé la Justice faire son travail. Mais, lorsque l’heure de prendre ses responsabilités a sonné, il les a prises sans réserve. Habré ne pouvait plus continuer à vivre en prison. Au-delà du Covid-19, il souffre d’une maladie cardiaque. Et, avec son âge, il supportait difficilement les conditions de vie carcérale. 300 millions FCfa ont été dégagés pour lui construire une prison avec ses supposés complices. Ces derniers n’ont jamais quitté le Tchad. Mais, pis encore, les fonds débloqués pour construire la prison n’ont jamais été dépensés. Son épouse avait pris en charge toutes les dépenses pour refaire les portes, les serrures, le lit, la fenêtre, le robinet, bref tout.

Depuis son arrivée au Sénégal, Habré entretenait des relations cordiales avec toutes les familles religieuses du pays, particulièrement avec Serigne Saliou Mbacké, Serigne Mansour Sy, tous anciens Khalifes généraux. Ses relations avec l’ancien Grand Serigne de Dakar, Serigne Bassirou Diagne, sont connues. Habré est un Sénégalais. Plusieurs de ses enfants sont nés dans ce pays et certains d’entre eux ne connaissent pas le Tchad. Hissein partage le bonheur et le malheur avec le peuple sénégalais.  C’est un fan de Sadio Mané. Il n’a jamais menacé les intérêts du Sénégal, ni posé un acte contre le Tchad. En fin de compte, ce sont ses enfants, Sénégalais de naissance, qui souffraient plus de cette condamnation de leur père. Et il fallait éviter que le Sénégal soit la terre de règlement de comptes entre Tchadiens.  

Depuis son arrivée au Sénégal, la presse française a mis le dossier Habré parmi ses priorités. Pendant 15 ans, chaque semaine, «Rfi» et «Le Monde» publient des informations hostiles contre l’ancien président du Tchad. Le journal «Jeune Afrique» avait aussi rejoint le peloton médiatique. Lorsque la France a décidé d’aider Deby à prendre (quoi), la presse avait accompagné ce projet militaire du Quai d’Orsay contre le droit international. Habré en exil au Sénégal, la presse française n’a jamais digéré le fait que lui et ses proches refusent de leur parler. Ils ont considéré cela comme un mépris. La traque contre Habré avait une forte dose de subjectivisme et de haine.

Pour réussir la campagne médiatique contre Hissein Habré, des cabinets de lobbying et de coaching média sénégalais, français et belges ont été recrutés et financés. Des cinéastes, des hommes de media, des artistes, des hommes d’affaires, des avocats, des comédiens etc. ont été enrôlés dans cette bataille. Plusieurs films ont été produits et diffusés sur France24, France2, TV5 Afrique, pour asseoir la thèse du crime contre l’humanité et présenter Habré comme un dictateur à éliminer. Car, pour ses détracteurs, il fallait d’abord une condamnation médiatique avant celle judiciaire.

La France a imposé ce procès à l’État du Sénégal. Wade avait refusé. Diouf avait, quant à lui, entamé une procédure en 1998. A l’époque, il venait de se réconcilier avec Kadhafi, qui avait reçu Ousmane Tanor Dieng à la veille de la Présidentielle de 2000. C’est ainsi que le Juge Demba Kandji a été saisi, en janvier 2000. Finalement la Justice sénégalaise se déclarera incompétente. C’est sous le régime libéral que des actions ont été menées par l’ancien ministre, Cheikh Tidiane Gadio. Et des réformes ont été engagées pour changer les lois nationales, afin de permettre au Sénégal d’abriter le procès. Lorsque Wade a quitté le Pouvoir, Macky a hérité le dossier presque bouclé sur le plan judiciaire.

Après les libérations de Karim Wade, de Khalifa Sall, suivies de ses retrouvailles avec l’ancien Président, Me Abdoulaye Wade, du Dialogue national, aux audiences accordés aux opposants sénégalais et aux forces vives de la Nation, le Président Macky Sall vient d’ouvrir une nouvelle ère de sa gouvernance, avec la libération de Habré. Nous avons entendu certains dire qu’Habré est le prisonnier de l’Union africaine. Si tel est le cas, nous dirons que son emprisonnement est l’unique projet réalisé par l’UA, depuis sa création. Grosse farce ! Habré a été jugé au Sénégal et avec les lois sénégalaises. Pour des raisons justes, il vient d’être libéré par le Président du Sénégal, Macky Sall, qui a réparé une injustice. Il mérite les remerciements des Tchadiens, des Sénégalais et des Africains, en général. Merci, Monsieur le Président !

MAMADOU MOUTH BANE

 

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