Les autorités tchadiennes ont ordonné le 19 septembre le départ du chef d’agence de la filiale locale de Vinci. Le groupe français était au cœur d’une sourde lutte d’influence depuis plus de trois mois.

Le patron de la filiale tchadienne du géant du BTP français  Sogea-Satom  (groupe  Vinci ),  Amadou Gaye , a quitté N’Djamena le 22 septembre.

3 jours plus tôt, le Sénégalais avait reçu son avis d’expulsion du pays, via un arrêté du ministre de la Sécurité publique,  Mahamat Charfadine Margui . En coulisses, le DG est dans le viseur du ministre des Infrastructures et du désenclavement,  Idriss Saleh Bachar , depuis plus de trois mois.

Le 23 août, dans une correspondance envoyée au PDG de Sogea-Satom,  JeanMichel Guelaud , consulté par  Africa intelligence , le ministre avait déjà réclamé le  « remplacement »  d’Amadou Gaye. Il évoquait alors quatre chagrins :  « le manque de volonté manifeste [du directeur d’agence] de relancer les projets de construction »« le non-redémarrage de la route Gassi-Dourbali et Kelo-Pala »« le retard dans le démarrage effectif des voiries de la ville de N’Djamena et des travaux de la pénétrante nord » , et enfin  « une attitude non avenante vis-à-vis des autorités du ministère » .

« Mise en demeure »

Un mois plus tôt, le 25 juillet, le ministre avait déjà envoyé à Amadou Gaye deux missives au ton menaçant. La première concernait les travaux de voiries de N’Djamena, un marché à 114 milliards de francs CFA (171 millions d’euros). Selon le ministre, ceux-ci auraient dû démarrer le 12 avril, mais, écrirait-il, « aucun début des travaux n’est constaté pratiquement sur le terrain » trois mois plus tard. Idriss Saleh Bachar avait mis Sogea-Satom en demeure d’entamer les chantiers sous 21 jours. La tonalité était similaire dans la deuxième correspondance, concernant cette fois la construction de la route Garli-Goussari, un marché à 65 milliards de francs CFA (99 millions d’euros).

Le ministre regrettait que  « l’avancement global des travaux soit de 77,60 %, pour un taux financier de 88 % » , et évoquait en outre l’existence de  « malfaçons »  sur les 54 km livrés et exigeait la reprise des travaux, là encore, sous 21 jours.

Montée des tensions

Tout au long du bras de fer avec le groupe français, Idriss Saleh Bachar a été soutenu par le tout-puissant directeur de cabinet civil  Idriss Youssouf Boy , dont le ministre des infrastructures est très proche. Au sein du gouvernement, le dossier a notamment tendu les relations avec le ministre des finances  Tahir Hamid Nguilin , interlocuteur de Sogea-Satom, qui a tenté en vain jusqu’au dernier moment de convaincre le président de la transition  Mahamat Idriss Déby  de ne pas l’expulseur Amadou Gaye.

Sogea-Satom emploie un peu plus de 1 000 personnes dans le pays. Le départ du DG suscite par ailleurs des effets de bords : dans la foulée, plusieurs cadres du groupe ont fait partie de leur souhait de démissionner.

Si l’ambassade française à N’Djamena est conservée discrètement tout au long de la passe d’armes, le renvoi d’Amadou Gaye est un nouveau signal envoyé aux milieux d’affaires français et, de façon générale, à Paris.

Relations de plus en plus fragiles

Mi-septembre, le  Medef  a déjà  « reporté »  sa mission dans le pays prévu du 16 au 18 octobre. La délégation patronale devait être apportée par  Philippe Labonne , le président d’ Africa Global Logistics . La salle de l’organisation patronale coïncidait à quelques jours près avec le premier anniversaire de la répression sanglante par N’Djamena de la manifestation du 20 octobre 2022.

À trois mois du référendum constitutionnel prévu le 17 décembre et alors que les projets présidentiels de Mahamat Idriss Déby crispent les capitales européennes, la décision de renvoyer la DG de Sogea-Satom est de nature à fragiliser un peu plus les relations entre Paris et N’ Djamena.

La lettre du continent

(NB : En quoi un constat fait sur le non respect des engagements pratiques de SOGEA-SATOM, puisse avoir un rebond politique ou une tension avec Paris ?
Faut-il accepter que SOGEA-SATOM foule au pied les accords contractés, sinon quoi ? que la France et son patronnat seraient mécontents de la rigueur qui leur ai demandée ?
La réaction du ministre des infrastructures, tout comme celle exécutée par le ministre de la Sécurité, est légitime et sonne comme une alerte envers toute entitée qui penserait qu’en face l’état n’existe pas. En fait c’est là qu’existe l’épicentre du problème.
SOGEA-SATOM ou une autre entreprise, tout le monde doit respecté les engagements contractuels faits avec le gouvernement tchadien. De là à faire un maillage politique sombre parce que SOGEA-SATOM appartient à un quelconque état, et que celui-ci est en colère résonne très faux.
Le mépris des entreprises occidentales qui opèrent en Afrique doit cesser, tout comme les influences et pressions mercantiles… Il ne faut pas exagéré et prendre les autres pour des cons. Le Tchad d’abord.)

Tchadanthropus-tribune

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