L’agenda des négociations en faveur d’un cessez-le-feu au Soudan, qui doivent se tenir en août sous l’égide des États-Unis et de l’Arabie saoudite, était sur toutes les lèvres lors de la retraite des médiateurs à Djibouti. Censé harmoniser les initiatives, l’événement a été révélateur des tensions qui agitent la Corne.

À quelques semaines de très attendus pourparlers en Suisse, les principaux acteurs de la médiation sur la guerre au Soudan peinent encore à s’entendre. Organisée par Djibouti, la retraite de planification des médiateurs des 25 et 26 juillet devait consacrer la coordination de la région pour restaurer une paix durable au Soudan. Réunissant 27 pays aux côtés de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), de l’Union africaine (UA), de la Ligue arabe et de l’Union européenne (UE), le rendez-vous a plutôt viré à la lutte de leadership.

Dans un contexte de regain de tensions dans la Corne, l’Éthiopie, l’Ouganda et l’Érythrée n’ont pas envoyé de participants. Les invitations, parties seulement une semaine à l’avance, n’ont pas permis à tous les pays de l’Afrique de l’Est de se joindre à l’initiative. Surtout, les relations d’Addis-Abeba avec son voisin djiboutien sont particulièrement tendues depuis l’annonce d’un protocole d’accord sur la reconnaissance du Somaliland (AI du 24/01/24). De son côté, l’Érythrée, qui voit d’un mauvais œil le rapprochement du premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, avec l’armée soudanaise et sa visite à Port-Soudan, le 9 juillet, a expulsé l’ambassadeur soudanais, Khaled Abbas, le 24 juillet.

Projet « déséquilibré »

Les pays réunis à Djibouti ont eu du mal à se mettre d’accord pour adopter une position commune. La première version du communiqué final, qu’Africa Intelligence a pu consulter, n’a pas été acceptée par plusieurs pays, dont l’Égypte. D’après une source qui a participé aux discussions, ces détracteurs ont jugé le projet « déséquilibré » et « reflétant une concurrence entre les initiatives plutôt qu’une complémentarité ».

Outre la reconnaissance des nombreuses initiatives déjà engagées, le document de trois pages soulignait « les responsabilités différenciées et les avantages comparatifs » des mécanismes de coordination multilatérale, citant expressément le mécanisme élargi sur la crise au Soudan mis sur pied par l’UA, le panel de haut niveau de l’IGAD et le comité ad hoc du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA. La version finale, très allégée, s’est davantage concentrée sur la solidarité envers le peuple soudanais.

Hôte de l’événement, Djibouti espérait donner de la voix dans le dossier soudanais et marquer la fin de sa présidence de l’IGAD. Et ce, alors même que ni l’organisation régionale, qui siège à Djibouti, ni la Ligue arabe ne devraient participer aux négociations de paix entre les Rapid Support Forces (RSF) de Mohamed Hamdan Dagalo, dit « Hemeti« , et les Sudanese Armed Forces (SAF) d’Abdel Fattah al-Burhan, qui doivent se tenir en Suisse, le 14 août. L’IGAD sera représentée par l’UA ; la Ligue arabe par l’Égypte et les Émirats arabes unis, en tant que pays membres. Un choix justifié par un souci d’efficacité et de « climat de proximité », selon une source diplomatique américaine.

Cavaliers seuls

En aparté, plusieurs participants ont fait part de leur agacement face aux annonces de l’envoyé spécial pour la Corne, Tom Perriello, faites sans consultations préalables. Ce dernier tente encore d’organiser une rencontre entre Mohamed Hamdan Dagalo et Abdel Fattah al-Burhan à l’issue des pourparlers. Si le patron des RSF a accepté d’envoyer une délégation à l’invitation des États-Unis, le chef des SAF n’a pas encore donné sa réponse. Mi-juillet, des représentants de l’armée soudanaise étaient arrivés in extremis pour des négociations organisées à Genève par les Nations unies, sous un format indirect cette fois.

Avec cette initiative conjointe, les États-Unis et l’Arabie saoudite semblent par ailleurs faire cavalier seul aux yeux des pays de la zone. Ce nouveau sommet s’inscrit dans la droite ligne des négociations de Djeddah, qui ont lieu depuis fin 2023, avec pour objectifs un cessez-le-feu, l’accès à l’aide humanitaire et le développement d’un mécanisme de vérification et de suivi de tout accord qui serait signé. Mais les SAF s’opposent toujours à la réouverture du corridor d’Adré, à la frontière du Tchad, et plusieurs proches de l’entourage d’Abdel Fattah al-Burhan ne paraissent pas enclins à faire avancer les négociations. Si les Émirats arabes unis, soutiens des RSF, participeront cette fois à la rencontre, le processus reste encore cerné d’incertitudes.

Ballon d’essai pour les nouveaux envoyés spéciaux

Si la retraite de Djibouti a eu peu de retombées concrètes, elle a en tout cas été l’occasion pour les nouveaux envoyés spéciaux de la Corne de l’Afrique et du Soudan de prendre la température avant les pourparlers suisses. Dernier nommé, le Français Bertrand Cochery, dont le remplacement de Raja Rabia à la tête de l’ambassade de France au Soudan (AI du 12/07/24) devrait être effectif en août, occupera désormais cette double casquette. Il reprend le travail commencé par son prédécesseur, Frédéric Clavier, nouvel ambassadeur au Guatemala.

De son côté, l’IGAD a nommé en mars Lawrence Korbandy, ancien conseiller politique du président sud-soudanais, Salva Kiir, comme envoyé spécial pour le Soudan. Le Royaume-Uni vient pour sa part de confier le rôle à Alison Blackburne, qui a remplacé Sarah Montgomery en mai.

Africa intelligence

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