La signature d’un accord final de gouvernance après le coup d’Etat de 2021 patine, notamment à cause de tensions entre les signataires. Les représentants de groupes armés et leurs alliés en profitent pour tenter de sécuriser des postes au sein du futur gouvernement.

Les signataires de l’accord-cadre du 5 décembre 2022 voulaient faire de ce ralliement une formalité. Mais trois mois plus tard, force est de constater que les multiples tentatives des Forces of Freedom and Change (FFC), la principale coalition à l’initiative de ce pacte censé tourner la page du coup d’Etat du 25 octobre 2021, n’ont toujours pas réussi à convaincre deux ex-chefs rebelles d’adopter le texte : Gibril Ibrahim, à la tête du Justice and Equality Movement (JEM), et Minni Minnawi, patron du Sudan Liberation Movement-MM (SLM-MM), préfèrent s’entretenir directement avec le général Abdel Fattah al-Burhan, à la fois chef de l’armée, architecte du putsch et l’un des piliers de la feuille de route paraphée sous la pression de la communauté internationale.

Difficile de savoir si ces tractations entre le président de facto du pays et les anciens chefs rebelles se traduiront dans les faits lorsqu’un gouvernement sera nommé – possiblement après la fin du ramadan, prévue le 20 avril. Le chef de l’armée semble surtout utiliser Ibrahim et Minnawi pour gagner du temps dans un contexte de tensions accrues avec le vice-président du Conseil de souveraineté, Mohamed Hamdan Dagalo, dit « Hemeti » (AI du 06/03/23). Ces pourparlers, menés en dehors des canaux de l’accord-cadre, témoignent des difficultés de la classe politique soudanaise à avancer.

La coalition de civils au bord de l’implosion

Des sources internes rapportent des désaccords croissants au sein de la coalition des FFC. Guidés par leurs agendas respectifs, les dirigeants des principaux partis représentés oublieraient de consulter leur base, qui commence à s’impatienter de les voir remplacés. Le ton est monté, ces dernières semaines, lorsqu’il a été question des critères qui seront utilisés pour sélectionner le futur premier ministre et son gouvernement.

Gibril Ibrahim et Minni Minnawi avaient tous deux hérité de sièges à la suite de la signature de l’accord de paix de Juba, le 3 octobre 2020, entre les autorités de la transition et une douzaine de groupes rebelles. Depuis début 2021, le patron du JEM est à la tête du ministère des finances. Une position qu’il n’a pas abandonnée après le coup d’Etat de Burhan, malgré les multiples critiques et accusations de mauvaises pratiques dont il fait l’objet. Conscient que son éviction est aujourd’hui inévitable, l’ancien rebelle a demandé à Abdel Fattah al-Burhan d’autres portefeuilles pour son parti. Il aurait notamment dans le viseur le ministère de la coopération internationale et celui de la santé.

Des listes de souhaits à rallonge

Minni Minnawi devrait, quant à lui, conserver son poste de gouverneur du Darfour, dont les contours demeurent flous (AI du 29/04/22). Il voudrait, en plus, placer des proches de son parti au ministère de l’intérieur.

Les deux anciens rebelles se sont aussi alliés à des proches de l’ancien régime, importants leviers de la junte militaire au moment du coup d’Etat et avec lesquels les FFC refusent par conséquent de pactiser. Parmi eux, Mubarak Ardol, qui dirige la Sudanese Mineral Resources Co (SMRC), souhaite tout naturellement se voir allouer le ministère des mines, jusqu’ici aux mains du SLM-MM. De son côté, le leader tribal de l’Est, Sayed Tirik, veut mettre l’un de ses pions au ministère des transports – un portefeuille déterminant pour la région de Port-Soudan, le poumon économique du pays, situé non loin de son fief.

Sayed Tirik lorgne aussi le poste de gouverneur de l’Etat de la mer Rouge, convoité simultanément par un autre poids lourd de la même alliance : Gaffar al-Mirghani, le vice-président du Parti démocratique unioniste (DUP), qui s’intéresse par ailleurs au gouvernorat de plusieurs autres Etats de l’Est et du Nord, ainsi que de l’Etat de Khartoum, mais aussi à certains ministères, dont celui des finances.

Africa Intelligence

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