Transformer, selon le Larousse, signifie modifier de façon spectaculaire l’état physique, moral et psychologique de quelqu’un. Faire d’un être, un être différent.


Avec son parti politique, les Transformateurs, Succès Masra voulait d’abord, transformer son peuple pour ensuite transformer le Tchad. Voilà la mission que Succès Masra s’est mis en tête de réussir à travers son parti politique.

Cette démarche a été précédée d’une réflexion, d’une analyse sur la situation de « son peuple » comme il dit et de considérer que leur état d’esprit par rapport à la chose politique puisque c’est cela qui l’intéresse, que cet état d’esprit n’était pas en phase avec sa vision, avec son ambition et qu’il faille transformer ses cibles. Les transformer pour qu’il ou ils transforme(ent) le Tchad.

On se rappelle, le soin avec lequel, il avait travaillé sa vidéo de lancement de son parti. Après de nombreuses séances d’Art oratoire, il voulait séduire à travers son verbe, à travers ses formules. Il voulait incarner un leadership charismatique et sa forte conviction d’être le seul, l’unique à posséder la vérité, mais aussi la compétence et il le dit haut et fort ; tous les autres ont échoué.


Sa prestation est parfaite, peut-être un peu trop excessive mais elle crève l’écran et il réussit son coup de communication.


Il suscite alors l’admiration auprès de son public, séduit par cette posture rare parmi les hommes politiques tchadiens. Il était offensif, direct et défiait l’autorité, mieux, ne la reconnaissait pas.

De son physique, on peut retenir ses yeux qui sortent de leur orbite, caractéristique selon les psychanalystes, d’une personne qui a une soif de domination, qui ne supporte pas que l’on remette en cause sa parole. Elle ne supporte pas la contestation et exige une soumission totale. Les yeux exorbités sont aussi ceux d’un illuminé qui se prend pour celui qui va vous conduire au paradis ou à la Terre promise comme Succès Masra le dit souvent. L’intelligence de l’illuminé lui permet d’exercer une emprise mentale sur ses cibles appelées « Mon peuple » admiratives, elles se soumettent et lui obéissent au doigt et à l’œil. Il est ainsi en position de les contrôler, d’exercer une influence voire de les manipuler totalement.

Un discours ethnicisé, violent, séparatiste, un peu comme Jean Marie Le PEN retient l’attention de ses militants ayant un raisonnement simpliste. C’est d’abord un discours bien travaillé qui frappe à plusieurs niveaux.


Il faut connaître les pensées de ses militants pour mieux les manipuler. Dans sa vision de la société, il y a les bons et les méchants. Tous ceux qui sont avec lui, sont les bons, les méchants, ce sont les autres. D’ailleurs, les autres, ceux qui ne sont pas d’accord avec lui et le glissement s’est opéré contre la partie de son peuple qui ne l’ont pas suivi et c’est ainsi que les manifestants manipulés ont brûlé les sièges des partis politiques du PM actuel et de l’ancien, sans compter que, pour ce dernier, son hôtel a aussi été incendié. La destruction est une punition. Ceux qui ne sont pas avec lui, sont contre lui et doivent être punis. C’est du Georges Bush !

 

Sa violence verbale est totalement assumée car elle est l’expression d’une forme d’audace qui séduit une partie de ses militants, il en use et en abuse car l’utilise comme symbole de son courage politique. Son registre s’apparente à celui qui dit « tout haut ce que les gens disent tout bas ». Exactement comme Le Pen.


Quand il dit « Mon peuple », il utilise un adjectif possessif mais sa charge est tellement forte, qu’il résonne aussi comme une exclusion totale des autres. Quand il hurle « Mon peuple », on réalise bien qu’il ne s’agit pas du peuple tchadien dans sa globalité. Il est indéniable que Succès Masra, dans l’espace politique, développe une instrumentalisation ethnique, régionaliste et religieuse.

 

Le choix de construire volontairement un discours avec des références bibliques et donc de mêler la religion à la politique est aussi exclusif des autres qui n’appartiennent pas à la même religion, ils sont présentés comme les ennemis. En disant, qu’il les conduira à la Terre Promise, il veut étendre le contrôle de ses militants jusque dans l’espace privé, religieux qu’il investit avec beaucoup de comparaisons. Il parle de Ponce Pilate Junior, en faisant allusion au Président de la Transition. Ponce Pilate était le gouverneur qui avait jugé Jésus et ordonné le crucifiement. Il se présente donc comme le Christ persécuté et pousse les gens à la révolte. Sa formule « Au nom du père, du fils et sans le peuple » c’est avant tout une formule chrétienne « Au nom du père, du fils et du Saint Esprit » qui est ainsi détournée pour servir sa communication politique. Il cherche ainsi à construire une communion religieuse avec ses militants de même confession que lui. Les autres ne l’intéressent pas, ils sont assimilés aux ennemis.

Sans arrêt, il parle de « 2 Tchad ». De « quand le peuple aura les vraies armes », il prépare les gens à la guerre civile. La violence est sous-jacente dans tous ses propos. Violence et exclusion totale des autres Tchadiens. Peut-on s’étonner, alors que toutes les barrières aient été enjambées par Succès Masra ?

Il ne cherchait pas à conscientiser son électorat, à éveiller leur conscience sur la situation du pays. Non ! Il préparait des commandos par un lavage de cerveau et en y inoculant les germes d’une insurrection. Il avait intelligemment tiré profit de la phase 1 de son lancement pour séduire dans l’administration, dans les universités, dans les grandes sociétés et dans la diaspora. Mais, plus il avançait, plus cette partie de ses soutiens, instruits, diplômés, éveillés à la chose politique, ne l’intéressaient que, par leur capacité à mobiliser des moyens financiers et à servir sa propagande sur les réseaux sociaux. C’est la raison pour laquelle, son discours restait pauvre, simpliste et de plus en plus violent. Cette liberté de parole dont il faisait montre pour heurter les autres tchadiens, comportait deux importantes limites.

Il avait des deals avec les milieux français : Ne jamais parler du FCFA.


Lui, le banquier que la jeunesse africaine attendait sur cette question qui a coupé le continent en deux camps. Il avait déçu, quand même, Idriss DEBY, par pur opportunisme médiatique, sur une idée de conseillers en communication qui espéraient ainsi redorer son image, lui, le Bob Denard de la Francafrique, racontait qu’il était contre le franc CFA. Succes Masra, jeune leader tchadien mettait la tête dans le sable et confirmait qu’il appartenait à la loge françafrique.

 

Autre deal de Succès Masra avec la françafrique : Ne jamais parler des bases militaires françaises installées sur tout le territoire.


Il acceptait sur cette autre question importante de rejoindre le cercle des françafricains et pouvait espérer un soutien dans la limite des intérêts bien compris de Paris. On comprend pourquoi les activistes panafricanistes ne lui ont pas apporté un soutien clair mais préféraient taper sur le Président de Transition.

Des principes de gouvernance clamés mais non appliqués.


Il est un économiste financier mais des responsables de son parti se sont plaints de sa gestion des fonds du parti. Les femmes et ses dépenses personnelles passaient avant tout. Personne ne pouvait ou ne devait se plaindre du non-respect des règles d’administration du parti. Alors qu’il dénonçait la mal gouvernance, la corruption, le pillage, l’absence de transparence partout. Lui, n’était pas un exemple dans la gestion de l’argent. De l’argent qui arrivait de partout ; des cotisations sur le territoire, de la diaspora aux États-Unis, en Europe, en Afrique, des milieux évangélistes américains, des fondations en France, de certains groupes industriels de la francafrique. Les Transformateurs se sont ainsi constitués un trésor. Après l’argent que cherche-t-on ? On cherche le Pouvoir et les honneurs. Succès Masra était sur les starting blocks.

 

Le pouvoir vite et à n’importe quel prix !


Quelle est la vision politique, le programme politique de Succès Masra ? Personne ne peut le dire vraiment. Quel serait le visage de ce Tchad transformé ? Personne ne le sait. Mais personne ne s’en préoccupe ; tellement la soif d’un leadership brillant et séducteur était dans les cœurs de nombreux Tchadiens y compris de ceux que Succès Masra ne considère pas comme étant « son peuple », pour mettre fin au système Deby.

Sa stratégie : Arracher le pouvoir par un soulèvement populaire.


Lui n’a jamais cru en la possibilité de parvenir par les urnes au pouvoir.


« Pas question de rester opposant pendant trente ans ! », c’est une véritable obsession qui va le conduire à commettre de nombreuses erreurs.
Il avait en quelques années d’observations (3 années sur 30) cru que le pouvoir de Deby certes usé, était prenable, en tous cas, ébranlable, s’il le défiait par des manifestations pacifiques (dans une première phase) accompagnées par un discours musclé et intransigeant.

De nombreuses personnes ne comprenaient pas cet empressement, cette absence de patience pour récolter le fruit de son engagement politique qui devait s’élargir et non pas se recroqueviller, se replier sur « son peuple », et permettre ainsi son isolement. De plus, sa radicalisation et le discours violent, menaçant, a amené son entourage à se demander : comment donner l’occasion à Idriss Deby de déployer ce qu’il sait faire de mieux, c’est-à-dire la répression ?

Son analyse était de dire que « le vieux Deby était essoufflé et il allait céder pour lui faire de la place dans le cadre d’une co-gestion du pays ». Étonnant !


Comme quoi, on a beau avoir des diplômes, se croire plus intelligent que les autres, il n’empêche qu’obnubilé par la volonté de conquérir ne serait-ce qu’une parcelle de pouvoir, il commettra une véritable faute politique en allant à la rencontre d’Idriss Deby, en secret, dans son domicile privé sans informer son bureau politique.

Sa rencontre avec Idriss Deby causa un tremblement de terre au sein des Transformateurs. Au nom des principes, des valeurs pour lesquelles ils se sont battus, ils ne pardonneront pas cette trahison de Succès Masra. Idriss Deby jubile. L’arrogant Succès Masra n’était pas si futé et c’est aussi la preuve que, finalement, le patron des Transformateurs ne connaît pas vraiment la perversité d’un homme assis sur son trône depuis 30 ans.

Son complexe de supériorité, sa vanité embrume son jugement et cette rencontre démontre bien qu’il avait encore beaucoup à apprendre en politique. Manifestement, il ne maîtrisait pas la personnalité de Deby et encore moins, ses méthodes qui ont broyées d’autres avant lui.
Il venait de montrer aussi une facette de sa personnalité. Il n’avait pas de principes, il était pressé et voulait faire des coups politiques complètement aveuglé par son ambition. Le piège de l’argent, une fois qu’on a plongé, c’est difficile de remonter à la surface et de sortir de cette nasse.

Un deal est conclu autour du poste de Vice-Président. A sa sortie du domicile de Deby, il trouvera, sous son nez, la presse convoquée par Deby pour immortaliser ce faux pas, cette trahison diront des membres fondateurs des Transformateurs qui claqueront les portes du Parti.

Un leader sans base politique réelle.


Succès Masra avait pu capitaliser des soutiens, mobiliser des réseaux, avoir d’importants moyens financiers mais il n’avait aucune assise locale forte car n’ayant pas encore participé à une élection législative, et encore moins, à une présidentielle. On le souligne parce qu’il était très peu intéressé à connaître le Tchad profond et par exemple, il n’a visité aucune ville du « Nord », c’est très important à relever et même ses déplacements à la rencontre de son peuple sont rares. Son ambition devenue chaque jour plus pressante, le pousse à des extrêmes et à des reniements importants.

 

Avec le père, le fils et sans son bureau politique

 :
Après la compromission avec le père, il demanda à être reçu par le fils, Président du CMT : « Je l’ai reçu 8 fois à sa demande » a déclaré Mahamat Idriss Deby, dans un discours à la Nation, après les évènements du 20 octobre 2022.
Cette révélation est un véritable coup de poing qui met KO beaucoup de militants Transformateurs. Comment est-ce possible ? Que voulait-il pour se rabaisser à ce point ? En fait, Succès est dans un état boulimique, il faisait le show contre la tenue du Dialogue National et en même temps, courait derrière le PCMT pour toujours et encore monter un deal exactement comme ce qu’il avait tenté avec le père Idriss Deby.

Huit rencontres à sa demande : il avait perdu tout le sens de son engagement politique, tous ses principes, toute dignité, il ne pensait qu’à lui, à ses intérêts personnels. Il réagira de manière inappropriée en insultant le Président de la Transition qui l’avait reçu 8 fois à sa demande sans se fatiguer et qui a rejeté ses propositions politiques. Succès Masra n’a pas pu dire à la face du monde : « Je n’ai pas été reçu 8 fois à ma demande ». Des audiences nocturnes ou pas laissent toujours des traces et le patron des Transformateurs le sait bien, d’où sa réponse biaisée évitant les points essentiels. Ses militants en colère, diront qu’il s’est agenouillé devant Deby puis, a rampé devant son fils en trahissant son peuple.

En refusant de participer au Dialogue National, il a rejeté les nombreuses médiations initiées par des nationaux (les membres du CODNI, le Comité des Sages, le Clergé catholique, etc) mais aussi par des diplomates européens, qataris, des autorités des organisations internationales (UA), sous régionales (CEEAC, CENSAD, CBLT) qui interviendront, négocieront en vain. Mais, il refusera, non pas, par convictions, mais pour faire monter les enchères.
Son image en a pris un coup et son ignorance totale de la bienséance diplomatique l’a fait passer pour un activiste pressé, surexcité, plutôt que d’incarner un jeune leader ou un homme d’État en devenir.

En fait, les insuffisances de Succès Masra sont criardes. Il n’avait pu comprendre la nature des obstacles qui se dressaient sur son chemin, et réfléchir pour savoir comment les annihiler ou à défaut les contourner. Ne dit-on pas que, parfois, il faut savoir reculer pour mieux sauter ?

Puis, vint l’épisode de sa nomination comme PM après une tournée en France, au Qatar et à Addis-Abeba.


Il affiche une grande détermination : c’est la cogestion du pays ou le chaos ; ce que le Président de la transition appellera « du chantage ».
La France tente de l’imposer mais le Président de la Transition refuse et avec lui tous les généraux du Clan au pouvoir depuis plus de 30 ans. La plupart des pays qui ont participé et parrainé les négociations de Doha soutiennent la position du gouvernement. Succès Masra a craché sur le dialogue, mais aussi, ignoré toutes les propositions des médiateurs internationaux qui avaient bien compris, à qui, ils avaient à faire. Il venait de subir le retour du boomerang. Et pourtant, Succès Masra était persuadé que cette fois-ci était la bonne. Un autre PM est pourtant désigné et pour lui, c’est désormais la rupture.

Succès Masra passe par toutes sortes d’états d’âmes : fureur, colère, rage, amertume. Il voit tous ses plans s’effondrer et son côté violent prend le dessus, il n’écoute aucun de ses conseillers qui, dans les moments difficiles, n’ont pas le courage de lui dire la vérité puisque de toute façon, c’est lui qui la détient. Succès Masra veut montrer qu’il est capable d’ébranler le pays.

Il affiche sa colère contre la France « les faux amis » qui ont cédé devant le refus de sa désignation comme Premier Ministre. Il agite le foulard rouge : « Nous irons chercher de nouveaux amis. » Qui ? Les Russes ?

Ses commandos sont prêts, il se prépare depuis longtemps, et veut sortir son joker de sa poche. Son discours a été étoffé ; en théorisant un soulèvement populaire, comme seule VOIE possible mais en disant aussi que les gens doivent être prêts à faire des sacrifices, à les accepter pour un avenir meilleur, pour la Terre Promise.
Le scénario est terrible. Après avoir consommé beaucoup d’alcool, à deux heures du matin, des barricades sont positionnées et l’insurrection démarre. Armés de toutes sortes d’armes blanches, coupe-coupe, couteaux, grosses pierres, bidons d’essence, lances et bien sûr, des pistolets, les transformateurs partent à l’assaut d’une capitale où tout le monde dort paisiblement.

Dans la ville de Ndjamena, 75% des domiciles ont une arme à feu sinon plus. Les fouilles régulières dans les domiciles, le démontraient ; les armes étaient récupérées, exposées au public, remises dans les casernes. Six mois après, elles étaient à nouveau dans les domiciles, tellement le sentiment d’insécurité était au cœur des préoccupations des populations qui devaient y pallier en s’armant. Elles ne pouvaient pas compter sur les services de sécurité. Alors, aucun souci pour les commandos des transformateurs d’avoir des armes à feu, même des fouilles dans les lycées ont montré les nombreuses armes à feu détenues par les élèves.
Sous la tension des évènements qui ont bouleversé ses plans de conquête du pouvoir, il n’est plus question de marche pacifique mais de soulèvement populaire armé. Succès Masra est sur le pied de guerre sans aucune expérience d’une confrontation armée.
Succès Masra n’a-t-il pas annoncé le gouvernement du peuple dans lequel, il proposait ironiquement une place à Mahamat Idriss Deby dans l’armée. Il est même euphorique et jubile presque. Invraisemblable !

 

Quelle était la stratégie dans cette phase de conquête du pouvoir par une insurrection armée

 ?
Les Transformateurs avaient posé avec pertinence que la force militaire en place ne pouvait être balayée par une insurrection de jeunes portant toutes sortes d’armes. C’est la raison pour laquelle, ils ont préconisé une alliance avec un groupe politico-militaire pour ensemble prendre le pouvoir. Depuis un an, de nombreux responsables des transformateurs y travaillaient ; eux qui avaient fustigé les groupes politico-militaires, sans arrêt, les traitant de tous les noms d’oiseaux. Eux qui avaient exprimé le refus de la boundoucratie, c’est-à-dire le pouvoir des armes, les voici en train de monter des plans de lutte armée à la machette. Eux, les donneurs de leçons, les démocrates, ne croyaient plus à une accession au pouvoir par les urnes. Pourquoi ?

A cause de l’empressement de Succès Masra qui impose ce revirement, ce reniement de leurs principes qui fondent le parti. Après tout, on n’est pas des Transformateurs pour rien. Il suffit de se retransformer et le tour est joué. Si hier, nous prônons la démocratie, aujourd’hui, nous pouvons changer de fusil d’épaule et nous inscrire dans le jeu de la machettocratie qui rime bien avec la boundoucratie.

Succès Masra a été en mode « deals » tous azimuts. Rencontre avec Idriss Deby, il y perd en crédibilité, on se méfie de lui, la confiance n’est plus au rendez-vous. Refus de participer au Dialogue National, agitations, les actions ne réussissent pas. HUIT rencontres avec le PCMT sont dissimulées et ne donnent rien, toutes ses propositions sont rejetées. Cette intense frénésie, ces initiatives désordonnées démontrent une absence de sérénité, c’est presque de l’affolement. Rien ne marche. Tout échoue.

Succès Masra déclenche son plan insurrection.


Le Président de la Transition déclarera, dans son adresse à la nation : « des groupes politico-militaires non signataires des Accords de Doha ont entretenu des relations directes avec les responsables de ces actes violents. Ils leur ont dit d’opposer une résistance pendant trois jours et qu’ils interviendraient.» Les groupes politico-militaires n’ont pas réagi à ces précisions. Une chose est sûre ; c’est qu’ils n’ont pas bougé vers la capitale.


Le sang a coulé abondamment et M Succès Masra a une responsabilité directe dans les évènements du 20 Octobre 2022. En bravant une interdiction de manifester. Il a harangué ses militants pour qu’ils aillent au combat. Et là où le bât blesse, c’est que Succès Masra est allé se cacher et n’a pas mis le nez dehors pour être à la tête de ses troupes surtout que la marche était présentée comme une marche pacifique.

 

Être Chef, c’est quoi ? Si l’on s’en tient aux pratiques en cours au Tchad, à la sociologie politique du pays, à la psychologie sociale qui entourent l’art de diriger, de commander. Il ressort très clairement par sa posture que la seule présence virtuelle et tonitruante dans les réseaux sociaux ne peut suppléer à ce que commandent le devoir, l’éthique, le sens des responsabilités surtout, en période de troubles, où plus que jamais le leader est mis à l’épreuve quand ses troupes ont fait leur part du « boulot », il lui revient d’assumer la sienne.
Il aura encore déçu par sa planque et en abandonnant les jeunes qu’il a manipulés.

Les événements du 22 octobre 2022 ont marqué les esprits de tous les Tchadiens, tout d’abord, par leur exceptionnalité. C’est bien la première fois qu’un parti politique qui, après avoir organisé de nombreuses manifestations et donc testé la riposte des forces de l’ordre, décide de passer à autre chose, de plus grave, avec un plan bien ficelé pour faire tomber le régime en appui avec des groupes politico-militaires et un relai international avec la mise en place d’une campagne contre le Président de la Transition car c’est lui qui est visé pour arriver à un processus de destitution afin que d’autres leaders se positionnent .

Qu’est-ce qui a fait croire à Succès Masra qu’il pouvait armer les jeunes, les enivrer pour qu’ils s’attaquent aux garnisons, aux commissariats, aux populations et que les forces de l’ordre n’allaient pas tirer ?
En France, lors de manifestations des gilets jaunes, on a eu 6 morts, 2600 blessés parmi les manifestants, 1600 parmi les policiers, 30 personnes ont perdu un œil, etc. Aujourd’hui, a-t-on souligné : « le maintien de l’ordre en France consiste trop souvent à appliquer une répression immédiate de grande ampleur au point de provoquer beaucoup de dégâts et d’entraver les libertés fondamentales. ».

Les responsables des Transformateurs pouvaient donc s’attendre à ce qui est arrivé, quand on est un responsable soucieux de la vie de ses militants, sauf bien sûr, si on compte les mettre sous le chapitre des « sacrifices à consentir pour arriver à la Terre Promise » qui, en l’espèce, est le Palais de la République, ce que beaucoup n’ont pas encore compris.

Pour comprendre certaines attitudes, il est important d’expliquer le système Deby mis en place, depuis de nombreuses années, dans la gestion des différentes communautés.

 

Idriss Deby a travaillé avec son clan, ses généraux, ses idéologues, ses intellectuels pour morceler, fragmenter les différentes communautés, multiplier les chefs de canton dans une seule ethnie afin de la fragiliser mais aussi d’attiser les rivalités. Si l’union fait la force, la désunion est synonyme de faiblesse.
Empêtrer dans leurs divisions et les faux conflits, le régime n’a plus de soucis. Les Tchadiens ont été enfermés par ce système, dans leur communauté au sein de laquelle, ils espéraient trouver soutiens, solidarité, sécurité. Chacun dans sa coquille vivait sous la menace des collabos appartenant à la communauté et au service du Clan au pouvoir. C’est ainsi que chaque communauté était surveillée, menacée, mise au pas, que dis-je, tenue en laisse.

Par rapport à la communauté de nos frères du Sud, il a mis en place une stratégie qui s’est déclinée en plusieurs points.

Tout d’abord, il lui a permis de s’exprimer, à travers des organes de presse, librement, et a même aidé en donnant des fonds à certains médias. Le but était de montrer le vernis «démocratique» de son régime et de pouvoir le dire, goguenard, devant la presse internationale. Cette liberté n’a été donnée à aucune autre communauté.

Autre point important, eux seuls, pouvaient créer de véritables partis d’opposition, s’exprimer, agir. Aucun leader d’une autre communauté ne pouvait le faire : Mamadou Bisso membre du RDP et ses amis ont été assassinés chez eux par un commando, Guetti Mahamat qui voulait faire campagne, idem. On a vu comment Ibni Oumar a fini, sans compter, ce qui est arrivé à Yaya Dillo quand il a essayé.

Est-ce que ce traitement de faveur dont bénéficiaient les Sudistes dans l’exercice des libertés fondamentales, est à l’origine de la construction d’un plan d’insurrection armé contre le pouvoir ? De la croyance que les forces de l’ordre n’oseraient pas les toucher car, aussi, et, il faut le dire, eux, bénéficient de la machine internationale déployée par les ONG et autres institutions pour condamner le pouvoir en cas de répression. Les autres Tchadiens pouvaient subir toutes sortes d’atrocités, ils ne comptaient que, pour du beurre, pour les instruments de la communauté internationale que sont les ONG et leurs relais médiatiques.

Enfin, il est aussi utile d’expliquer deux autres points de la stratégie déployée pour gérer la communauté des Sudistes par Idriss Deby et son clan.


On a mis en place Électron TV, chaîne soi-disant privée mais montée avec un financement important de l’Etat. Son objectif est d’être un média où les tchadiens du Sud sont les seuls à y travailler (des remarques ont fait un peu changer les choses mais le fond est resté). C’est un espace où ils pouvaient s’exprimer, vider leurs sacs et croire que le monde allait changer. Quand vous avez poussé un coup de gueule, vous êtes un peu apaisé. On vous a très peu entendu mais vous rentrez chez vous pour dormir et le pouvoir de Deby ne s’en trouve aucunement menacé. C’est la mission principale d’Electron TV dirigé par le maitre à penser du pouvoir Deby. Autre chose, le régime a créé une école, HEC, où un véritable lavage de cerveaux, une falsification de l’histoire politique du Tchad, sont mis en œuvre de manière astucieuse et cela au bénéfice du pouvoir d’Idriss Deby depuis plus de 20 ans.

Un encadrement conduit par les idéologues du Clan pour agir sur l’éducation et l’information. De quoi assurer leur survie pendant longtemps. Nous ne pouvons oublier dans la mise en œuvre de cette politique, le rôle assigné dans cette gestion à « Mama Hinda » qui a orienté les recrutements à la présidence, et ailleurs, les aides aux jeunes en direction des communautés du Sud pour les gérer tout simplement.

Il faut aussi ajouter comment le régime des Deby a utilisé la communauté des Sudistes pour attaquer sans relâche, feu le President Habré, d’une façon démentielle, avec des moyens importants. Clément Abaifouta, employé d’Électron TV coaché par l’idéologue du Clan, M Ali Abderaman Haggar depuis 20 ans. Toute la bande qui s’acharnait, attaquant, insultant feu le President Habré était géré, financé par les idéologues du clan et Idriss Deby. Et ce pendant 20 ans et cela continue après le décès du Président. Maintenir cette affaire Habré permettait de faire une grande diversion pendant plus de trente ans, il fallait vraiment être dans une chienlit sans nom pour ruminer cette affaire qui permettait de détourner l’attention des populations de l’état dans lequel le pays est : conséquence de leur mal gouvernance. Et il fallait être des tchadiens assez spéciaux pour se tenir prêts, certes, moyennant finances, pour être utilisés comme des marionnettes au service d’un système tyrannique pendant plus d’un quart de siècle.

Et comme nous l’avons déjà cité, Idriss Deby a aussi fabriqué quelques milliardaires originaires du Sud qui ont détourné des fonds publics avec les membres du Clan et sont désormais entrés dans le système.


Tant pis si leurs villages n’ont ni eau potable ni électricité ni centre de santé, que la plupart des femmes marchent sans chaussures sous le soleil ardent. Pour le régime Deby, l’essentiel c’est d’avoir des gens qui, désormais, le ventre plein, vont s’époumoner pour le défendre. Un nombre important de membres appartenant aux communautés du Sud a joué le jeu, tiré profit de ce que le régime Deby leur procurait comme avantages.

 

Toutefois, cette politique pernicieuse comportait une ligne rouge à ne pas franchir pour le clan au pouvoir : celle de convoiter le trône.

Tout le monde entendait Idriss Deby crier sur tous les tons que « celui qui pouvait le déloger, n’a qu’a tenté de le faire ». Aujourd’hui, le système Deby est toujours là, en place avec ses idéologues, ses généraux, ses alliés. Il a tantôt usé (Yorongar) tantôt totalement domestiqué (Kamougué), les leaders de cette région du pays qui voulaient être dans l’opposition.

Succès Masra a voulu franchir la ligne rouge en lançant des jeunes dans une insurrection armée. Le système a vu la menace et n’oublions pas que nous avons à faire à un État puissant avec d’énormes moyens techniques et si on relève un bout de phrase du discours du Président de la Transition :« des groupes politico-militaires ont entretenu des relations directes avec les responsables des actes violents », cela veut dire que, quand les manifestants de Succès Masra se sont lancées à deux heures du matin pour bénéficier de l’effet de surprise, en brûlant le commissariat et attaquant les forces de sécurité, ces dernières s’attendaient à l’appui des groupes politico-militaires qui pouvaient prendre de nombreuses formes.


Dès lors, il est évident que nous sommes entrés dans autre chose.


Par conséquent, que chacun situe ses responsabilités, les assument par respect, pour ceux qui sont tombés, aussi bien, les victimes parmi les populations, les policiers et les manifestants.

Les réseaux et les soutiens des Transformateurs restent dans le déni et vont pour certains remplacer les photos des Transformateurs avec leur machette, portant le drapeau tchadien avec d’autres photos sans armes. Mais de nos jours, c’est très compliqué de poser des actes aussi importants qui ont été précédés d’actions préparatoires et de croire que les institutions internationales, qui ont aussi leur système de collectes d’informations, ne savent pas ce que les Transformateurs ont tenté de faire. L’étape de la guerre psychologique est dépassée quand on a des lits d’hôpitaux remplis de blessés et beaucoup de morts.

 

Succès Masra est-il fini ?


Loin de là, mais il traverse, en ce moment, une période difficile et il a commis beaucoup d’erreurs et il continue d’en faire dans la gestion de cette affaire d’insurrection armée. Son avenir dépendra du maintien ou non de sa posture de Chef présomptueux pressé qui l’a conduit à s’engager dans un processus violent sans écouter son entourage et sans analyse réelle des suites d’une telle entreprise.

 

Face à ce système Deby, face à la stabilité de la domination par la violence rendue possible par l’accaparement, la confiscation et le contrôle de toutes les ressources financières qu’un État peut générer, face ainsi à une véritable expropriation des moyens politiques et du pouvoir politique, que fallait -il faire ? Beaucoup ont choisi de se mettre à la disposition du Prince et les autres ont plus de prétentions que de capacités réelles à développer une stratégie capable de mettre fin à ce système. 

 

Aujourd’hui, le drame du peuple tchadien, c’est l’absence d’un leadership possédant une vraie conviction articulée autour du souci de prendre en considération les problèmes du pays.

Tous sont tombés dans le piège en s’enfermant dans l’esprit du village y compris les politico-militaires. Ce qui explique qu’ils n’aient pas encore réussi à mettre fin à ce système qui se complaît à faire vivre les populations encerclées par les eaux du fleuve mais aussi par les eaux usées, sans électricité, sans eau potable, sans sécurité, sans soins de santé. C’est la situation de toutes les villes du Tchad sans exception.

Et c’est ainsi qu’en maintenant cette politique de fabrication de la misère, de la pauvreté que l’on fragilise tout un peuple, submergé quotidiennement par mille difficultés de tous ordres et se démenant à la résolution de ses problèmes, et à qui, on impose facilement sa domination. Est-ce qu’il faille dire que l’on doit transformer ces populations ? Ou bien que les hommes politiques doivent s’engager à mettre fin à leur calvaire et à ne pas les trahir à la moindre tentation.


On dit bien : « il n’y a de richesses que d’hommes.».


C’est ce que le Tchad a perdu : la qualité de ses hommes.

La rédaction de ZoomTchad.

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