Ce que je ne dois pas oublier :


Il ya cinq ans, j’ai passé quarante cinq jours  dans les geôles de l’Agence Nationale des Renseignements  (ANR)  à Kinshasa, en  RDC. Un cachot secret comportant  quatre cellules dont l’une numérotée 4 était réservée aux tortures et sévices , et les trois autres accueillaient une cinquantaine des détenus  de diverses nationalités , entassées comme des sardines dans des conditions humiliantes et dégradantes .


Parmi les détenus, il y a   le Pr Pyangira Dieudonné Kaligne , ancien recteur de l’Université de Kinshasa , le Dr Mutéba Edouard , médecin  et Président de la Fédération  Nationale de l’Athlétisme  de la RDC,  Boula Boula , homme d’affaires de son état , un certain André , haut fonctionnaire  du ministère congolais  du commerce  ainsi que des officiers de l’armée régulière et des différentes milices et rebellions congolaises.

 
Avec mes codétenus, nous nous fûmes organisés en comité dont le but était de porter à la connaissance de l’opinion nos inhumaines conditions carcérales. Le  comité  travaillait discrètement avec les organisations de défense des droits de l’homme, la Radio OCAPI et bien évidemment  la RFI dont notre seule interlocutrice était feue GHISLAINE DUPONT.


Cette journaliste  douée de grandes qualités humaines et professionnelles nous contactait  dans le  tréfonds  de  nos  cellules.  Grâce à un portable  Nokia, ancien modèle  introduit  par un des parents  des détenus  en le dissimulant  dans un plat de pate de manioc « chikwan », nous réussîmes à communiquer avec l’extérieur en faisant  des bips.


Ghislaine a fait de notre sort sa  principale préoccupation. Toujours disponible à répondre à un bip venant de notre part, elle  a été pour nous un recours inestimable, prête à nous rendre service au-delà de ses activités journalistiques.


D’ octobre 2008 à janvier 2009, elle  a consacré  une série de reportages  sur le cas de détenus de l’ANR, coupés de reste du monde, avec interdiction  de visite à la presse,  aux ONG Droits de l’Hommes et aux médico-humanitaires. Elle avait donné la parole aux détenus qui ont expliqué leur situation sur les antennes de RFI. Bref, elle nous a rendus un service inoubliable !


C’est avec profonde émotion  et une paralysante tristesse que j’ai apprises l’enlèvement et l’assassinat  de Ghislaine Dupont et de son confrère Claude Verlon. J’adresse mes sincères condoléances à leurs familles respectives et leurs collègues du travail. Paix à leurs âmes.

Ahmat Yacoub Adam

 

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