Plusieurs irrégularités ont été constatées dans le processus d’embauche de quatre directeurs de départements de l’Union africaine, d’après un rapport d’audit consulté par Africa Intelligence.

Evaluations biaisées, CV non vérifiés, critères non respectés. A en croire un nouveau rapport d’audit, plusieurs des directeurs et directrices de la commission de l’Union africaine (UA) ont obtenu leur poste de manière irrégulière. Ce document de 369 pages, dont Africa Intelligence a pu consulter des extraits, porte sur les finances et la gestion de l’institution panafricaine sur l’année 2022. Il a été rédigé par le Conseil des auditeurs externes de l’UA, organe désigné par le conseil exécutif, et dont les membres, représentatifs des cinq régions du continent, sont nommés pour deux ans.

D’après les conclusions de ce rapport, les méthodes de recrutement de plusieurs hauts cadres de la commission sont empreintes d’irrégularités, et poussent à questionner la légitimité de ces hauts fonctionnaires à occuper leur poste.

Importantes incohérences

A commencer par la directrice du département des ressources humaines (DRH) elle-même, la Congolaise Nadege Tandu, arrivée fin 2021. D’après l’audit, son parcours professionnel n’a pas été correctement vérifié, ni confirmé par l’intégralité de ses précédents employeurs. Au total, quatre ans sur les sept requis en expérience d’encadrement n’ont fait l’objet d’aucune vérification.

Nadege Tandu n’est pas la seule concernée. Selon le rapport, la direction des ressources humaines n’a pas pris la peine non plus de vérifier dans le détail les compétences et l’expérience du conseiller juridique de l’UA, Guy-Fleury Ntwari, qui a pris ses fonctions en septembre 2022, après avoir occupé le poste en intérim. Du fait qu’il était un candidat interne, issu de la commission, il n’a pas fait l’objet de la  vigilance nécessaire de la part du Comité de sélection et de recrutement (Recruitment and selection committee, RSC), estiment les auteurs du rapport. Ces derniers relèvent d’importantes incohérences dans le parcours professionnel de Ntwari, notamment au sein de la commission : « Ceci constitue un acte de la direction en faveur de ce candidat au détriment des candidats potentiels ayant participé au processus de recrutement.« 

La prise de fonction de Guy-Fleury Ntwari a aussi été validée sans attendre les conclusions d’un rapport de vérification des références sur les recrutements de l’UA, conduit par l’auditeur externe EY. Le rapport d’EY est pourtant un « critère important du recrutement« , rappellent les auditeurs de l’UA. Ils ajoutent que « ce cabinet de conseil aux prix élevés [a] été choisi […] pour assurer la transparence du recrutement« .

La nomination de l’actuel conseiller juridique a largement agacé les pays de la Southern African Development Community (SADC) qui soutenaient en effet le Sud-Africain Dire Tladi, professeur au département de droit de l’Institute for International and Comparative Law in Africa de l’université de Pretoria, également avocat depuis 2000 (AI du 29/09/22). L’Egypte a aussi été passablement irritée par le recrutement de Nadege Tandu qui faisait face à l’Egyptien Mohamed Galal dans la dernière ligne droite.

Contacté par Africa Intelligence, Guy-Fleury Ntwari nous a renvoyés vers l’Union africaine.

Biais de recrutement

Le rapport relève aussi de telles irrégularités dans le processus de diligence raisonnable pour le recrutement du directeur du département de la gouvernance et de la prévention des conflits et du directeur de l’information et de la communication (Management of Information Systems Director, MIS).

En mai 2021, la plateforme de recrutement de l’Union africaine s’est dotée du Merit Based Recruitment System (MBRS), censé supprimer les biais de recrutement, avec l’ambition de se mettre en conformité avec les objectifs fixés dans la réforme institutionnelle de l’UA, impulsée par le président rwandais Paul Kagame en 2017.

Le MBRS doit produire des scores sur lesquels le RSC s’appuie pour sélectionner et shortlister les candidats. Or, dans le cas du recrutement de la DRH de l’UA, pour 3 des 4 candidats, les scores produits par le système MBRS diffèrent des recommandations et du rapport qui ont été envoyés par le RSC au président de la commission Moussa Faki Mahamat.

Contacté par Africa Intelligence, le cabinet du président de la commission n’a pas souhaité commenter, arguant que les questions afférentes aux ressources humaines sont de la compétence de la vice-présidente de la commission, Monique Nsanzabaganwa. Cette dernière n’a pas répondu à nos sollicitations.

Le rapport SACA

Depuis octobre 2022 et la commande d’un audit sur les qualifications des cadres de l’UA, le sujet est au cœur de multiples passes d’armes (AI du 09/05/23). Ce Skills Audit and Competency Assessment (SACA), aussi réalisé par EY et achevé en février, a été présenté début juillet au Comité des représentants permanents de l’Union africaine (Corep).

En mai, il a provoqué d’importants remous au sein du sous-comité budget du Corep. La principale pierre d’achoppement concernait la titularisation de centaines de cadres précaires de l’UA et l’octroi d’une enveloppe supplémentaire d’environ 10 millions de dollars annuels pour les salaires et les avantages du personnel.

Africa intelligence

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