DÉCRYPTAGE. Comment le Tchad s’est-il retrouvé dans les filets du décret migratoire de Donald Trump ? À N’Djamena, on essaie encore de comprendre.

« On a tous été surpris. » Dans les rangs du gouvernement tchadien, ces quelques mots reviennent sans cesse. Le 24 septembre, Donald Trump a annoncé avoir ajouté le Tchad sur la liste des pays dont les ressortissants sont des personae non gratae sur le sol américain, aux côtés de la Corée du Nord et du Venezuela. À partir du 18 octobre, tous les Tchadiens seront donc interdits d’entrée aux États-Unis. Et, quelques jours après l’annonce du président américain, la stupéfaction ne retombe pas. « Il n’y a même pas eu d’avertissement ou de discussions préalables. C’est seulement un coup d’éclat de monsieur Trump comme il sait le faire », s’esclaffe une source gouvernementale tchadienne. « C’est totalement insolite », peste un autre conseiller à la primature. Même étonnement du côté américain : cette mesure « n’a aucun sens », peut-on lire sur le compte Twitter de Herman Jay Cohen, ancien secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines. La commission de l’Union africaine (UA) a, quant à elle, exprimé sa « perplexité » face à l’inclusion « injuste » du Tchad dans la liste des pays visés par l’administration des États-Unis. 

« Une présence terroriste significative » sur le territoire

Officiellement, « ces pays ont une présence terroriste significative sur leur territoire » selon le décret présidentiel américain. Le texte note l’existence au Tchad de différents groupes djihadistes comme l’organisation État islamique, Boko Haram ou encore Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). En coulisse, le gouvernement tchadien accuse les États-Unis d’utiliser des arguments factices. « Ça n’a aucun sens, notre pays est l’un des piliers dans la lutte contre le terrorisme », réagit notre source auprès du Premier ministre. Avant d’ajouter : « On cherche à comprendre ce qui se cache derrière cette annonce. » Pour ce faire, le Tchad a d’abord joué la carte du dialogue. Dès le lendemain de l’annonce, le Premier ministre Albert Pahimi Padacké a convoqué l’ambassadrice des États-Unis au Tchad, Geeta Pasi. À l’issue de la rencontre, le gouvernement a exprimé son « incompréhension » face aux motifs et en a appelé à « une meilleure appréciation de la situation », selon les termes du communiqué dictés par Madeleine Alingué, porte-parole du gouvernement. Preuve à l’appui, N’Djamena a rappelé les actions menées par le pays contre le terrorisme : d’abord sa participation au programme américain Partenariat transsaharien de lutte contre le terrorisme (TSCTP) et aux exercices militaires conjoints avec les États-Unis, puis son statut privilégié au sein de la force anti-djihadiste G5 Sahel que la France veut mettre en place avec le Niger, le Burkina Faso, le Mali et la Mauritanie. Le pays représente également le troisième contributeur à la Mission des Nations unies au Mali (Minusma) avec 1 150 Casques bleus. Surtout, le Tchad avait provisoirement fermé début 2017 sa frontière avec la Libye, redoutant l’infiltration de groupes terroristes ou de rebelles tchadiens.

Réunion à huis clos

Très vite, la communication du gouvernement tchadien est devenue évasive. Et pour cause : Washington insiste sur le défaut de « partage des informations liées à la sécurité publique et au terrorisme ». Le dossier a alors atterri sur le bureau du ministre secrétaire général du gouvernement, Abdoulaye Sabre Fadoul, qui assure l’intérim du ministre des Affaires étrangères et de l’Intégration africaine. Considéré comme « l’un des bons éléments du gouvernement » par certains caciques du MPS (le parti au pouvoir), cet ancien rebelle proche de Timan Erdimi (chef de l’Union des forces de la résistance) a convoqué une nouvelle fois, le 26 septembre, l’ambassadrice américaine pour une réunion à huis clos. « Les Américains ont pointé un problème concernant les documents d’identité » qui « sont en vente » au Tchad. « Ils y voient une confusion alarmante dans une zone touchée par le terrorisme », précise un diplomate tchadien. Jointe par Le Point Afrique, Madeleine Alingué, ministre et porte-parole du gouvernement, présente lors de cette rencontre, a expliqué sans plus de détails que « certains points techniques d’ordre administratif ont nécessité un éclairage » et a annoncé le besoin d’une amélioration du « système d’échange d’informations ». Autre couac mis sur la table des discussions : la tentative d’attentat à N’Djamena contre l’ambassade américaine suivie de l’interpellation d’un homme soupçonné d’être un djihadiste, le 30 novembre. « Washington reproche un manque criant de communication sur l’identité du suspect et son mode opératoire », a ajouté cette même source. 

Vers une crise diplomatique ? 

Cette annonce de Donald Trump intervient alors que le Tchad est touché par une crise économique sans précédent, imputée à la baisse des cours du pétrole et aux aléas climatiques. Mais aussi à la « mauvaise gouvernance », selon les opposants. « Il sera difficile de répondre aux exigences américaines avant le 18 octobre, date d’application du décret », confie un ancien ministre. Las, il évoque… Lire la suite sur Le Point Afrique

 

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