LE SAHEL DANS LA TORNADE DJIHADISTE

Attendu sur le dossier sahélien, dans lequel son prédécesseur Donald Trump s’était fait remarquer par son isolationnisme, le président américain Joe Biden planche depuis la rentrée sur son engagement dans la zone, avec une équipe Afrique renouvelée.

Entre la Chine et l’Ukraine, un autre dossier s’est discrètement glissé dans l’agenda des ministres des affaires étrangères des pays de l’OTAN réunis à Riga le 30 novembre : le Sahel. Durant les échanges avec ses homologues, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a plaidé pour une implication accrue de l’organisation dans la région. Un scénario qui suscite de nombreuses réticences, tant dans les capitales européennes que dans les sahéliennes : depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, l’organisation militaire pâtit en effet d’une image écornée dans cette zone.

Blocage à New York

Si l’administration de Joe Biden plaide pour un réengagement de l’OTAN au Sahel, c’est parce qu’elle se montre particulièrement critique sur le rôle qu’y jouent les Nations unies. Washington s’est opposé à plusieurs reprises ces dernières semaines au placement de la force conjointe du G5 Sahel sous l’égide du chapitre VII de la charte de l’ONU. Ce mandat élargi, souhaité par plusieurs capitales européennes, en particulier Paris, lui permettrait « l’emploi de la force armée ».

A terme, ce changement de statut pourrait ouvrir la porte à une contribution onusienne à l’alliance militaire, aujourd’hui tributaire des donations des bailleurs, au premier rang desquels figure l’Union européenne, qui a décaissé près de 200 millions d’euros depuis 2018. Le placement du G5 Sahel sous chapitre VII n’entraînerait pas mécaniquement une contribution onusienne, mais faciliterait sa mise en place. L’administration de Donald Trump s’était très fermement opposée à une telle participation des Nations unies (AI du 01/12/20).

Pour tenter de contourner les réserves américaines et britanniques, Paris plaide désormais auprès de Washington pour la création d’un bureau de soutien de l’ONU à la force du G5 Sahel. Le sujet a fait l’objet d’âpres négociations au conseil de sécurité le 13 novembre. La diplomatie américaine se montre également très réticente à ce projet et porte un jugement très sévère sur le bilan de la force conjointe depuis sa création en 2017. La création de ce bureau de soutien, qui a les faveurs du bureau du secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, vise à coordonner les contributions des principaux bailleurs et à instaurer des participations obligatoires. Selon un rapport onusien, le budget de fonctionnement annuel du G5 Sahel s’élèverait à 150 millions d’euros.

Judd Devermont, nouvelle éminence grise

L’administration Biden s’est engagée dans une refonte globale de sa stratégie sahélienne. Après avoir abandonné son projet de retrait de la région un temps agité par Donald Trump, Washington réfléchit à augmenter son implication. Parmi les pistes à l’étude au Pentagone figure une hausse du plafond de troupes américaines déployées au Sahel et, plus particulièrement, au Niger.

Depuis la rentrée, l’équipe Afrique de Joe Biden a, par ailleurs, été largement renouvelée. Le diplomate Judd Devermont a ainsi été nommé début octobre Conseiller spécial chargé de la stratégie africaine au sein du National Security Council (NSC) de la Maison Blanche. Sous Barack Obama, le diplomate passé par l’ambassade américaine à Abuja avait déjà opéré au sein du NSC en tant que directeur des affaires africaines, de 2011 à 2013. Ancien du bureau Afrique de la CIA, Judd Devermon test un familier du dossier sahélien qu’il a suivi lorsqu’il était à la tête du programme Afrique du Center for Strategic and International Studies. Dans ses nouvelles fonctions, il a notamment pour mission de plancher sur la stratégie américaine au Sahel.

Judd Devermont travaille en étroite collaboration avec la nouvelle « Mme Afrique » du Département d’État, Mary Catherine Phee, nommée quelques jours avant lui, le 30 septembre. Ancienne ambassadrice américaine au Soudan du Sud, elle a remplacé l’éphémère Robert F. Godec, qui a quitté ses fonctions après à peine huit mois d’exercice. Antony Blinken n’a, en revanche, pas prévu de nommer avant le premier trimestre 2022 un nouvel envoyé spécial pour le Sahel. Le poste est inoccupé depuis le départ de J. Peter Pham, en janvier 2021.

Tchadanthropus-tribune avec Africa Intelligence

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