Le monde célèbre la journée internationale des disparus, cinq ans après la disparition de votre père, que représente pour vous une telle journée ? 
 
Mohamed Saleh: Une journée d’une grande importance pour nous famille de victimes. Il ne se passe pas un seul jour sans qu’on ait une pensée pour nos proches disparus mais en cette date, chacun de nous à une pensée toute particulières ce jour son proche disparu. C’est le jour où tout Pour que jamais, au grand jamais, la mémoire de tous les disparus ne connaisse l’oubli et l’indifférence, cette date doit être marqué a chaque fois par des évènements à la mémoire des disparus. J’exhorte d’ailleurs les Etats qu’ils mettent tout en œuvre pour débarrasser le monde de cette pratique illégale et d’un autre âge.
Les tchadiens ont mal au cœur. Certains n’arrivent pas encore à se faire à l’idée de la disparition totale et définitive de cet homme, Ibni qui vivait naturellement et simplement, ce leader charismatique de l’opposition, homme de principe, universitaire techniquement compétent, suffisamment conscient et patriote qui symbolisait l’alternative.
Quelles sont vos attentes par rapport au dossier?
 
Mohamed Saleh: On espère qu’on nous trouvera la trace des personnes «disparues» et qu’on prendra en considération les problèmes que rencontrent leurs familles.  Nous attendons que les recommandations qui en découlent soient appliquées sans tentative de dissimulation aucune. C’est-à-dire qu’on nous restitue le corps de notre père pour qu’ils puissent avoir une sépulture digne de ce nom, qu’on puisse faire enfin le travail de deuil et surtout que les criminels soient jugés qui qu’ils soient.  On veut que les coupables payent de leur crime.
Il faut que la vérité sur le sort du Professeur Ibni fasse jour dans l’apaisement le plus raisonné et dans un cadre juridique strict. C’est à ce prix et à ce prix seul que les idéaux de mon père pourront triompher, de la mort et de l’oubli.
Qu’est-ce qu’une telle initiative peut apporter aux membres de familles des disparus selon vous ?
 
«Disparaître», c’est s’effacer, cesser d’être, se perdre…Nous membres de la famille  sommes aussi des victimes et nous continuons de souffrir. Après cette disparition, nous survivrons avec une douleur insupportable marquée au fer rouge dans nos cœurs pendant toute notre vie et cette douleur ne sera jamais lénifiée tant que le corps ne nous sera pas rendu et tant que nous ne pourrons lui rendre les honneurs funéraires qui lui sont dus. Nous ne serons jamais appaisés.
 
La disparition de votre père ne vous a-t-elle pas découragée quant à l’engagement politique dans votre pays ?
« C’est tout à fait clair ! Nous condamnons la prise de pouvoir par les armes, mais il faut aussi être clair, nous condamnons par la même force sa confiscation par les armes » disait le Pr.Ibni.

On reste toujours fidèle aux valeurs démocratiques, nous avons toujours cru comme mon père à l’alternance par la voie des urnes.
Le Pr.Ibni était un humaniste dont la simplicité était à des milliers de lieux des excès d’une scène politique tchadienne si orgueilleuse et violente. En l’assassinant lâchement, ils ont contribué à graver son nom en lettre d’or dans l’histoire de notre pays, ils l’ont fait entrer au Panthéon tchadien, la date de sa disparition est devenue une journée de mobilisation générale pour tous les tchadiens opprimés.
C’est un honneur pour nous, ses progénitures. On doit se battre pour que l’arbre de la démocratie que notre père, cette figure emblématique du pacifisme au Tchad a planté, grandisse et que ses branches protègent tous les citoyens tchadiens des abus du pouvoir.  Nous devons nous battre pour les idéaux auxquels il croyait et pour lesquels il se battait sans relâche triomphent.
Un message particulier au gouvernement ou à la communauté internationale ?
 
Mohamed Saleh: La recherche de la vérité, cette lumière de la justice  qui un jour ou l’autre, je le crois avec force, détruira ceux qui veulent l’empêcher d’éclater au grand jour. Et tous ensemble, nous allons contribuer à ce que ce jour vienne enfin. Il faut que notre pays soit déterminé à prévenir ce crime et à lutter contre l’impunité du crime de disparition forcée.
Je lance un vibrant appel au gouvernement tchadien pour plus de responsabilité. Reconnaitre ce qui est une évidence. Je réclame et réclamerai toujours que justice soit rendue, que toute la lumière soit faite sur le destin qui a été réservé à notre père par ses ravisseurs, que ceux qui se sont rendus coupables de cette forfaiture soient punis par le glaive impartial de la justice.
En tant que citoyens du monde, nous avons des aspirations parfois assez éloignés les uns des autres mais il y a un rêve qui nous a rassemblé et nous rassemble toujours, un rêve de justice, un rêve de dignité, et ce rêve c’est faire la lumière sur le sort d’Ibni et de tous les disparus ! Ainsi, il me faut à présent dire merci à tous ceux qui se sont unis à nous dans cette bataille pour le triomphe des droits de l’homme, à toutes ces personnes qui nous soutiennent dans notre lutte pour que plus jamais de pareils actes ne se reproduisent.

Lire l’intégralité de l’interview sur http://www.tchadenligne.com/article-interview-de-mohamed-saleh-ibni-oumar-a-l-occasion-du-30eme-anniversaire-de-la-journee-international-119805773.html 

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