Depuis l’implication des militaires  tchadiens dans la lutte contre Boko Haram  ,  l’opinion nationale et internationale subi et continue de subir  un matraquage médiatique sans précédant ;  des « analystes » et autres « chroniqueurs » se succèdent   régulièrement devant les micros de certaines chaines internationales,  louant «  l’action salvatrice du Président Deby dans sa lutte contre le djihadiste  » ; « Deby le sauveur de l’Afrique » « Deby , pièce maitresse  du dispositif anti terrorisme français » ; Deby l’incontournable  etc.… une propagande tellement bien menée  qu’ on en arrive à croire que c’est  le Président Idriss Deby  et non l’armée tchadienne  qui combat les djihadistes de Boko Haram sur le terrain.

 

Ces déclarations sont donc abondamment relayées par certains  organes de presse biens connus pour leur mercenariat journalistique et  pour qui, cette « nouvelle stature d’Idriss  Deby »  est une aubaine,   leur permettant  de donner libre cours  à leur propagande  habituelle et de justifier ainsi les affirmations avec lesquelles ils nous abreuvent tous les jours.

 

Il est vrai que cette  technique de communication avait été  minutieusement conçue par l’entourage du Président depuis longtemps  ; elle s’est faite par étapes et  l’envoi  des troupes au Cameroun est la dernière pièce du puzzle dont l’unique but est de redorer le blason d’un individu afin de le rendre indispensable aux yeux de ses pairs Africains et de certaines puissances occidentales ;  il suffit pour cela  de constater l’hyper médiatisation des opérations militaires pour s’en convaincre : l’objectif ultime est  en fin de compte de garantir  la  pérennisation de Deby au pouvoir ; il convient de faire remarquer que cette action est étrangement couplée  avec le refus systématique de certains  responsables des medias occidentaux de permettre l’accès au micro de certaines radios internationales aux opposants et autres membres de la société civile tchadienne jugés trop critiques vis-à-vis de  la politique menée par Deby.

 

Le gouvernement français s’y était mis  lui aussi au point où à la veille du sommet de la Francophonie, le Président français dans une déclaration faite à Dakar « avait remercié le Président Deby pour avoir accepter l’installation sur le sol tchadien de l’état  major du dispositif  anti djihadiste Barkhane ». Cette déclaration qui avait clairement fait l’impasse sur la mauvaise gouvernance au Tchad était perçue  par nous autres défenseurs des droits de l’homme, comme  un encouragement,  mieux, un cheque en blanc  octroyé à un dirigeant  afin de lui permettre de continuer à perpétuer sa politique d’asservissement programmé de son peuple ; nous ne demandons certes pas au gouvernement Français de changer quoi que soit sur notre sort ; nous sommes assez grands et avons les armes légales pour le faire nous mêmes ; nous avions simplement pensé que la France avait des valeurs et que partant, elle avait une image à défendre.. Nous osons croire par ailleurs que le gouvernement français finira un jour par comprendre que les djihadistes  et autres Boko Haram peuvent être efficacement combattus par  les vaillantes forces armées tchadiennes avec ou sans Idriss DEBY.

 

La lutte contre Boko Haram est plus que louable, c’est un fait et en tant que défenseur des Droits de l’Homme, nous apprécions mieux que quiconque la nécessité d’en finir avec les agissements   abjects de ces  forces de l’obscurantisme ;  nous disons cependant qu’un chef d’Etat peut lutter contre Boko Haram et pratiquer chez lui la bonne gouvernance en respectant les droits de l’homme et en œuvrant pour le bien être de son peuple ; cette  action ne doit donc aucunement servir de sauf- conduit  et d’ encouragement   à  un régime politique pseudo démocratique  comme le notre à continuer à opprimer ses citoyens.

 

Conscient que sa gouvernance du Tchad est honnie par tous, le chef de l’Etat avait compris le parti à tirer d’une armée tchadienne forte et aguerrie en intervenant dans tous les théâtres  des opérations où sévit  le mal du 21e siècle qu’est l’intégrisme ; Ce faisant, il va au devant du désir des occidentaux épuisés par les coûts humains  enregistré dans  leur combats contre les djihadistes au liban, en Irak en Afghanistan etc ; le chef de l’état tchadien est conscient que pour les dirigeants occidentaux, soutenir une longue guerre terrestre contre les islamistes serait à terme désastreuse pour leurs images vis-à-vis de leurs opinions publiques respectives ; c’est ainsi que le Président Deby n’avait  pas hésité un seul instant à voler au secours des français au Mali et  dans sa  hâte à paraitre indispensable , il envoie le plus grand contingent de militaires  sur le terrain (plus de 2000 hommes),  ignorant au passage l’avis constitutionnel  de cette chambre d’enregistrement  qu’est notre Assemblée Nationale,  lui faisant ainsi avaler sa Neme  couleuvre ; il est vrai que Deby n’avait rien à craindre d’une opinion publique qu’il avait depuis longtemps, réussi à museler par la terreur ; il peut se permettre d’en faire plus  par rapport aux autres pays Africains  pour amener ses parrains à fermer les yeux sur  sa gouvernance calamiteuse ; pour lui donc, si Boko Haram et Aqmi n’existaient pas, ils fallait les créer pour avoir à les combattre et devenir indispensable ; il est prêt pour cela à dépenser presque tout l’argent du pétrole : La suite est connue : Le prix payé par  le Tchad en moyens matériels financier et surtout humain  avait été  désastreux au Mali et (nous le craignons) ,il est en train de l’être au Cameroun, au Nigeria et au Niger : plusieurs centaines de morts contrairement à ce qu’avait affirmé à l’époque la propagande officielle de 32  militaires tchadiens tués ; des centaines de veuves et d’orphelins sont restés jusqu’aujourd’hui sans dédommagements ; néanmoins, eu égard à la justesse de l’intervention, personne à l’époque ne lui en avait demandé des comptes.

 

Hier au Mali, aujourd’hui au Cameroun Niger et Nigeria, l’armée tchadienne a toujours  accomplit courageusement ses missions sans savoir qu’elle est devenue le principal atout d’un Idriss Deby qui, il y’a quelques temps  encore était  politiquement au bord de l’effondrement.

 

Notre Président ne mérite pas toutes ces attentions parce qu’on a tendance à oublier que dans sa quête maladive d’une notoriété internationale, il n’avait pas hésité à mettre l’argent du  pétrole tchadien  au service  d’une politique belliqueuse dont les conséquences s’étaient avérées désastreuses pour nos concitoyens à tel point qu’actuellement, les tchadiens ne sont pas les bienvenus  dans  certains pays du continent et même  chez nos voisins ; c’est le cas en Centrafrique, au Soudan, en Libye et au Congo ; le Cameroun et le  Nigeria eux  n’avaient accepté la présence de l’armée tchadienne sur leur sols qu’à leur corps défendant ; les conséquences des ingérences militaires directes ou indirectes très couteuses pour le trésor public sont donc la principale cause des  rancœurs nourries par les peuples de ces pays frères vis-à-vis de nos concitoyens.

 

Sur un tout autre chapitre,  avec la chute brutale du prix du baril de pétrole, et donc la réduction drastique des ressources pétrolières, nous  craignons que l’armée principal outil du maintien au pouvoir de notre chef d’Etat ne soit l’objet de toutes les attentions de celui-ci au détriment des besoins  vitaux de la population  qu’il avait toujours ignorés ; la couleur avait été annoncée par la très couteuse fête de l’armée organisée récemment pour la circonstance ; notre crainte est d’autant plus fondée que dans son discours de fin d’année, le Chef de l’Etat avait attiré l’attention de ses concitoyens  sur  la période difficile qui s’annonce en 2015 et qu’il faut « se serrer la ceinture  pour l’affronter » ; cela voudrait dire que l’argent ne suffira plus pour tout le monde ; Il appelle  donc les autres tchadiens qui croupissent déjà dans la misère à consentir encore plus de sacrifices ;  connaissant notre président, le reste de l’argent sera sans conteste réservé à l’armée( outil indispensable pour son fauteuil ) et à ses parents  qui  continueront à écraser les autres tchadiens du haut de leur arrogante opulence par ce que le sacrifice, c’est pour le tchadien Lambda, pas pour eux.

 

Les « détourneurs des fonds publics subiront la rigueur de la loi » avait il dit dans son discours ; on sent que le fameux Ministère du contrôle d’état et de la moralisation  réglera des comptes à certains indésirables à ses yeux et se chargera comme à l’accoutumé de nettoyer au passage les quelques fonctionnaires coupables d’avoir détourné qui, un ordinateur portable qui, un sac d’engrais et surtout les agents de l’Etat qui tiennent encore debout en les envoyant en prison pour des broutilles ; ceci pendant que ses parents continueront à détourner  des milliards sans être inquiétés par ce que le Ministère de la Moralisation se mettra comme d’habitude à éviter soigneusement les secteurs dans lesquels sévissent ces intouchables.

 

Le chef de l’état semble dans son discours de fin d’année mettre en cause la conjoncture économique rendue difficile par les agissements de Boko Haram et de la chute du prix du baril de pétrole alors que tout le monde sait que c’est lui et lui seul qui est à la base de la déliquescence actuelle de notre état, du délabrement de notre économie et de la dégradation de nos Finances   ; il serait légitime à cet égard pour un tchadien avisé de  se demander où est parti le fond de stabilisation des prix du pétrole dont on avait tant parlé ; n’avait il pas été crée pour justement  faire face à ce genre de conjoncture ?

 

Les mesures prises à savoir la maitrise des dépenses publiques, la réduction du train de vie de l’état, la suppression de certaines indemnités etc. ne régleront jamais le problème  et comme toujours, on s’attaque aux effets en délaissant les causes ; ces causes ne sont rien d’autres que la haute main du petit frère du Chef de l’Etat sur les recettes douanières ; l’accaparement de la SNER et le contrôle quasi exclusif du secteur pétrolier et de celui des télécom par  son  grand frère , la gestion de la cimenterie de Baouré par son neveu tout comme la Direction Générales des impôts par un autre de ses proches parents ; la raffinerie par sa nièce, sans compter les Secrétaires Généraux gestionnaires des crédits des   Ministères qui ne sont rien d’autre que  des jeunes  fils de ses parents, à peine sorties de l’adolescence, le contrôle de toutes les régies et projets .. Bref, la liste est longue ; ces manœuvres avaient occasionné depuis 1990,  la mise à l’écart des cadres compétents forcés de  passer leurs journées sous les arbres des administrations. Idriss Deby devrait donc commencer par assainir de ce coté avant de demander aux autres tchadiens de faire des sacrifices.  


La lutte contre Boko Haram est plus que louable, c’est un fait et en tant que défenseur des Droits de l’Homme, nous apprécions mieux que quiconque la nécessité d’en finir avec les agissements   abjects de ces  forces de l’obscurantisme ;  nous disons cependant qu’un chef d’Etat peut lutter contre Boko Haram et pratiquer chez lui la bonne gouvernance en respectant les droits de l’homme et en œuvrant pour le bien être de son peuple ; cette  action ne doit donc aucunement servir de sauf- conduit  et d’ encouragement   à  un régime politique pseudo démocratique  comme le notre à continuer à opprimer ses citoyens.

 

Notre devoir à nous en tant que défenseur des droits de l’homme est de continuer toujours à combattre les exactions éhontées de ce régime politique sur sa population et de rappeler perpétuellement à l’opinion nationale et internationale que les tchadiens  continuent à subir les injustices les plus flagrantes jamais connues ailleurs ; qu’ils vivent dans la précarité la plus totale avec l’insécurité alimentée par l’impunité, l’accaparement éhonté des richesses nationales par une catégorie de tchadiens, l’appauvrissement programmé de 90 pour cent d’entre eux  accablés par l’instauration d’une vie chère de plus en plus insupportable ; la misère  et la famine sévissent  dans presque tout le pays avec l’absence chronique d’eau et d’électricité ;  les arrestations et détentions arbitraires ainsi que les disparitions des opposants armés extradés des pays voisins continuent; Ajouté à cela les  tentatives répétées de musellement de la presse engagée, les interdictions systématiques des marches pacifiques et les limitations perpétuelles des libertés fondamentales et des modes les plus primaires d’expression démocratique.

 

La récente mise en place par le pouvoir d’un dispositif propre à truquer les élections futures nous conforte dans notre volonté de continuer à exiger d’Idriss Deby de ne plus se représenter en 2016 par ce que nous ne voudront plus  subir cette gestion  pénible et désastreuse, cinq ans de plus. Cela suffit ; nous ne voulons plus du règne de Deby 30 ans de suite.

 

Mahamat Nour   IBEDOU

 

Secrétaire Général de la Convention Tchadienne pour la Défense des Droits de l’Homme (C.T.D.D.H)

Membre du Bureau de la Coalition « TROP C’EST TROP ».

 

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