La France et le gouvernement tchadien sont assurément entrés dans un jeu de ping-pong depuis la sortie médiatique, le 4 mars 2015 à Yaoundé, d’Hassan Sylla Bakary, ministre tchadien de la Communication qui affirmait devant caméras et micros que près de 40 % des armes récupérées chez les hommes de Boko Haram tombés sur le front étaient de fabrication française. Cette annonce a fait l’effet d’une bombe au sein des services du Quai d’Orsay (ministère français des Affaires étrangères) et de ses différents démembrements. Les chancelleries de Yaoundé et de N’Djamena, les deux les plus concernées par l’affaire ont été saisies par Paris pour les «suites à donner de cette grave accusation».


La première à réagir est l’ambassade de Yaoundé qui, deux jours après la sortie du Tchad a «pondu» un communiqué de presse laconique démentant totalement les allégations du ministre tchadien. Le texte signale in extenso que "la France exerce un des contrôles les plus stricts au monde sur ses ventes d’armements. Selon plusieurs rapports, une grande partie des armes de Boko Haram a été prélevée à l’armée nigériane, une autre provient de trafics illégaux dans la région. La lutte contre les trafics d’armes dans la bande sahélo-saharienne fait partie des objectifs de l’opération Barkhane, menée aux côtés des forces tchadiennes, nigériennes, maliennes, mauritaniennes et burkinabé." Aussi, pour l’Hexagone, les armes proviendraient-elles du Nigéria et des trafics illégaux dans le Sahel. Et pour étayer son argumentaire, Christine Robichon, première responsable de l’ambassade de France à Yaoundé excipe que la position de son pays repose sur plusieurs rapports émanant d’instances indépendantes réputées sérieuses dans les domaines de la circulation des armes, mais sans en donner l’identité.


Kadhafi

Seulement, pour de nombreux spécialistes de questions géostratégiques, tel Armand Boudou, le communiqué de l’ambassade de France à Yaoundé ne permet pas d’avancer vers la vérité dans cette affaire. «Aucun pays africain ne fabrique d’armes lourdes. Rien ne dit que les armes venues du Nigéria ou celles issues du trafic dans le Sahel ne soient de fabrication française», argumente-t-il. Il estime par ailleurs qu’alors que la France indique les origines directes, le Tchad souligne la source des armes. «Il n’est pas interdit que les armes qui circulent dans le Sahel soit de fabrication française. Il faudrait noter que c’est depuis la chute de Kadhafi que les armes circulent avec un débit important dans la région. Or, c’est justement la France qui a armé les adversaires de Kadhafi», complète-t-il.

Pour le reste, les yeux sont rivés vers N’Djamena qui promet de faire toute la lumière sur l’origine des armes que détiennent les Boko Haram en partant du fait que 40% d’entre elles soient de fabrication française. Yaoundé quant à elle, a dit par la voix de son ministre de la Communication présent physiquement au moment de l’annonce de son homologue tchadien que son pays ne veut stigmatiser aucun gouvernement pour la fourniture des armes.


Les deux personnalités étaient réunies à Yaoundé pour harmoniser la communication institutionnelle autour de la guerre contre Boko Haram; laquelle communication: aurait gagné en vitalité ou serait devenue imprudente -avec l’entrée en scène de l’armée tchadienne dans la guerre- selon qu’on soit du bord des officiels tchadiens ou camerounais.

R. N. T. 

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