Les Centrafricains, anéantis, déboussolés, ne savent plus à quel saint se vouer.  Terrorisés par les bandes de ruffians étrangers et autres mercenaires, qui les rapinent jour et nuit, ils s’interrogent : qui dirige réellement leur pays ? Le Gouvernement de Transition et la C.N.T ne sont-ils pas les otages d’Idriss Deby Itno, président du Tchad, et de son armée ? C’est la question que se pose avec insistance la société civile centrafricaine. Trop, c’est trop !

          Les responsables actuels du pays ont beau le nier, la R.C.A apparaît de plus en plus comme une possession tchadienne. Le comportement arrogant de Deby est à cet égard édifiant. La manne  pétrolière permet au Tchad d’investir 160 milliards  de C.F.A, dans des interventions extérieures, surtout en R.C.A. C’est le Tchad qui fournit les liquidités pour assurer les fins de mois des fonctionnaires. A l’époque, ce rôle était dévolu à la France…

          Quelle garantie a-t-on accordée à Deby, pour qu’il s’intéresse de si près à la République Centrafricaine ? Des rumeurs alarmantes circulent : un accord serait en cours pour que le Tchad détourne les eaux de l’Oubangui, afin d’alimenter le lac Tchad ou le Chari, soumis aux aléas climatiques. On entend aussi dire que N’Djamena aurait la haute main sur l’exploitation des richesses du sous-sol centrafricain (diamant, or, fer, etc…) sans oublier les bois précieux, si recherchés…   

           Les craintes de cette mainmise du Tchad sur la Centrafrique ne datent pas d’aujourd’hui. C’est déjà lui qui a équipé l’armée, fourni les hommes et assuré la logistique ayant permis à François Bozizé de réussir son coup d’état du 15 mars 2003. Et, comme aujourd’hui, c’est le gouvernement tchadien qui assurait l’essentiel de la paie des fonctionnaires centrafricains. C’est encore et toujours grâce au Tchad, et, peut-être aussi, au Qatar, que les éléments de la Séléka ont été financés et ont pu chasser Bozizé du pouvoir.

          Ces derniers jours, les navettes incessantes de gros porteurs entre N’Djamena et Bangui ont fortement renforcé la présence militaire du Tchad en Centrafrique. Cette agitation et ce besoin effréné de leadership de Deby sur le territoire des Bantous indisposent et inquiètent  les pays qui composent la Force Multinationale des états d’Afrique centrale (FOMAC).  La  nouvelle Armée Républicaine Centrafricaine (A.R.C.) décidée par le Président de transition, (est-ce que la Constitution le lui permet ?) est, aujourd’hui, à dominante tchadienne. Certains de ses officiers ne parlent ni Sango, ni français ! Dans le nord et le nord-est du pays, des membres de la Séléka, majoritairement tchadiens, ont mis en place des tribunaux parallèles expéditifs. A cela, il faut ajouter la présence d’éléments de l’armée ougandaise et de mercenaires soudanais.

          Ce qui fait que, si vous interrogez les habitants de Bria, de Bangassou, de Rafai, de Obo, de N’Délé, de Bossangoa, de Bambari….vous serez vite édifiés : ils disent vivre une véritable occupation. Préfets et sous-préfets, terrorisés, ont déserté.  Sassou Nguesso, président du Congo Brazzaville, Paul Biya, président du Cameroun et Ali Bongo du Gabon, même s’ils ne le disent pas ouvertement, sont inquiets des gesticulations de Deby. Dans la sous-région, c’est bien le Tchad qui dispose d’une armée aguerrie, capable d’aller faire ses preuves au Mali, aux côtés des forces françaises.  Si ce positionnement en Centrafrique n’est pas une main basse sur le pays, cela y ressemble fort ! La France, qui, jusqu’à présent, avait la réalité du pouvoir en République Centrafricaine et en Afrique Centrale, donne l’impression de laisser les mains libres au président du Tchad. Est-ce la rançon du sacrifice de ses soldats au Mali ? Le voilà qui se prend à rêver de devenir le nouvel émir de l’Afrique Centrale…

 

           Sur le terrain, en Centrafrique, un sentiment d’humiliation est en train de s’étendre. Pour beaucoup, c’est un affront. Deby donne l’impression de faire ce qu’il veut. En tout cas,  c’est ce que ressentent les populations. Depuis un certain temps, c’est lui qui semble tirer les ficelles du « théâtre des Guignols » à Bangui. N’Djamena est devenue la plaque tournante de tous ceux, civils ou militaires, qui veulent s’emparer du pouvoir par la violence en Centrafrique. François Bozizé et Michel Djotodia ont, tous deux, bénéficié de son aide pour arriver au sommet de l’état.

          En fait, il ne faut pas oublier que, pour Deby, le contrôle de la Centrafrique est vital. La survie de son régime en dépend. Car  le Tchad est une poudrière. Son histoire récente est jalonnée par des luttes fratricides sanglantes. Souvenez-vous : NGarta Tombalbaye, Abdelkader Kamougué, Goukouni Oueddei,  Hissène Habré… les uns remplaçant les autres au prix de violences  meurtrières. Il n’y a pas qu’en République Centrafricaine que la litanie des coups d’état a pris la place du jeu démocratique. Aujourd’hui, le régime de Deby est menacé par une rébellion active et menaçante. Il ne faut pas que le Centrafrique devienne une base arrière.  Il faut donc, contrôler le pouvoir politique à Bangui.

           On en arrive, aujourd’hui, à une sorte de tchado phobie, qui est en train de se répandre en Centrafrique. Jusqu’alors, Tchadiens et Centrafricains se considéraient comme cousins. Leur relation est maintenant menacée par l’appât du gain et la soif du pouvoir qui se sont emparés d’aventuriers politiques traîtres à  leur peuple. La brèche est ouverte. Le tracé du chemin infernal qui mène à l’enfer des guerres civiles est pratiquement à son terme. Car, depuis peu, des forces jusqu’ici inconnues, affrontent désormais, les armes à la main, les séditieux de la Séléka et les mercenaires étrangers. Ces groupes, dont l’identité n’a pas encore été révélée, ne pourraient-ils pas être des Centrafricains entrés en résistance contre les occupants ?

 

          C’est pourquoi, la France en premier, mais aussi les Nations-Unies et l’Union Africaine,  doivent impérativement se préoccuper du chaos qui est en train de surgir en Centrafrique.  Il faut agir maintenant, au lieu d’attendre, comme d’habitude, et de verser – trop tard ! – des larmes de crocodile…

PAR JOSEPH AKOUISSONNE

A. DE Kitiki   (27 août 2013) 

 

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