10 janvier 2014 TCHAD/Centrafrique: Mahamat Ali Abdallah “ Nous ne voulons aucune rébellion. On veut que la paix.“ (RFI)
Ce jeudi, il reste beaucoup d’interrogations autour du sort de Michel Djotodia. L’homme fort de la Centrafrique sera-t-il encore à son poste au terme du sommet extraordinaire que les chefs d’Etat de la sous-région doivent tenir à Ndjamena au Tchad ? Le général Mahamat Ali Abdallah n’est pas convaincu que la solution passe par un changement d’homme ou un changement d’équipe. Ce proche du président tchadien Idriss Déby est le secrétaire général adjoint du parti au pouvoir, Mouvement patriotique du salut (MPS) et il est l’invité de Christophe Boisbouvier.
RFI : Des civils tchadiens traqués et lynchés dans les rues de Bangui. Comment réagissez-vous ?
Général Mahamat Ali Abdallah : C’est vraiment déplorable. Nous n’avons jamais pensé que la population centrafricaine puisse réserver un tel traitement, avoir une telle réaction qui est irréfléchie et disproportionnée pour une population qui est intégrée depuis très longtemps et qui ne fait que du bien pour la Centrafrique. Mais je comprends, c’est peut-être une population qui est à la fois manipulée et instrumentalisée par quelques intellectuels qui vivent très loin des réalités, quelques politico-militaires et quelques hommes politiques en mal de pouvoir.
Beaucoup de Centrafricains accusent les Tchadiens d’être derrière l’arrivée au pouvoir des Seleka. De fait, en décembre 2012, vous les avez bloqués. Mais en mars 2013, vous les avez laissés passer. Avec le recul, est-ce que vous ne regrettez pas ?
Ce sont vraiment des accusations à la fois grotesques et gratuites. Le Tchad n’a aucun intérêt à soutenir tel ou tel camp. Le Tchad souhaite la stabilité et la paix pour la Centrafrique et pour toute la zone. Celle-là étant, on accuse prétendument la présence de quelques aventuriers tchadiens dans le rang des Seleka. Pour ceux-là, les autres Tchadiens, les populations, les civils ou les innocents, les enfants, les femmes, doivent payer. Ca, je comprends très mal. Le Tchad institutionnel, en tant que nation, en tant qu’Etat n’a aucun intérêt à se mêler de tel ou tel côté.
Mais ces aventuriers à l’intérieur de la Seleka, est-ce qu’ils ne sont pas de connivence avec un certain nombre de soldats tchadiens de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca) avec qui ils ont été frères d’armes dans le passé ?
Non, l’armée tchadienne a un comportement exemplaire et obéit aux ordres du commandement de l’armée nationale tchadienne, et également de la Misca.
Ces tirs fratricides entre soldats tchadiens et burundais de la Misca, le 23 décembre dernier à Bangui ?
Nous avons entendu dire, mais est-ce que déjà l’enquête a défini, a cité les responsabilités.
Selon l’état-major de la Misca, quand le contingent rwandais arrivera à Bangui sous une quinzaine de jours, il remplacera le contingent tchadien qui se redéploiera au nord de la Centrafrique. Est-ce que vous confirmez ?
Le Tchad se conformera à la décision de la Misca. Il n’y a pas de position figée pour l’armée tchadienne, il n’y a pas des zones préférées. L’armée tchadienne est là pour apporter sa contribution, pour la stabilité de son pays.
Ce jeudi, sommet extraordinaire de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC) à Ndjamena, on parle de l’annonce éventuelle d’un départ du pouvoir de Michel Djotodia, le chef de la transition centrafricaine.
Je ne suis pas du tout au courant, mais si lui-même, avec les partenaires de la CEEAC, estime que c’est la meilleure solution pour la Centrafrique, c’est à eux de décider. Je n’ai pas de commentaires à faire.
Est-ce qu’un changement à la tête de cette transition pourrait créer un bon électrochoc ?
Ce qui est sûr, c’est que la situation est compliquée. Il y a beaucoup de forces non contrôlées. Et il est difficile de dire qu’il y a un remède immédiat avec un changement d’homme ou d’équipe.
Pourquoi ne souhaitez-vous pas l’envoi de casques bleus de l’ONU en Centrafrique dans les semaines à venir ? Est-ce que parce que le Tchad craint peut-être de perdre son influence sur un pays où il exerce de fait un droit de regard depuis près de vingt ans, depuis l’époque des mutineries contre le président Patassé ?
Non, le Tchad a estimé qu’une force africaine qui vient d’être installée et qui n’a qu’un mois, il faut lui donner de la chance et des moyens nécessaires pour voir à quel point cette force peut faire des choses là-bas.
Mais pourquoi ces interventions tchadiennes à répétition en Centrafrique depuis près de vingt ans ? Est-ce parce que la Centrafrique est le ventre mou de la sous-région ?
La Centrafrique a beaucoup de liens séculaires avec le Tchad. Parmi les choses les plus importantes pour le Tchad, ce sont les aspects sécuritaires et surtout la présence de nombreuses familles tchadiennes. Aujourd’hui, cette situation a mobilisé le Tchad tout entier. Nous sommes en train d’abord de les protéger sur place, les regrouper, les rapatrier et, une fois arrivés au pays, les accueillir, les intégrer dans la mesure du possible, cas par cas. Donc, il est évident que le Tchad ne peut pas rester indifférent de ce qui se passe en Centrafrique. Maintenant si le Tchad intervient, c’est aussi pour apporter en tant que pays voisin concernant directement par la situation dégradée qui ouvre la voie à tous les désordres, c’est pour apporter une contribution sincère dans le cadre de solidarité de la sous-région. Et c’est dans ce contexte que le Tchad, voisin, a des possibilités d’intervention plus efficaces, plus immédiates, toujours par de la sollicitation, soit de la sous-région, soit du pays lui-même. Et ce sont des interventions salutaires et jusqu’ici que le président de la sous-région apprécie, y compris nos partenaires français.
Mais n’intervenez-vous pas en Centrafrique pour sécuriser les frontières tchadiennes d’où viennent souvent les dangers pour le pouvoir de Ndjamena ?
Nous n’avons jamais été menacés par une force venue de Centrafrique, nous avons nos propres moyens pour sécuriser notre pays. Mais cela étant, nous avons également les intérêts économiques, surtout des intérêts vitaux qui longent la frontière de la Centrafrique, telle que l’activité sucrière, les puits de pétrole de Doba qui ne sont pas loin. Si n’importe quel désordre s’installe en Centrafrique, naturellement ça nous préoccupe. On doit être vigilants.
Vous ne voulez pas une nouvelle rébellion Kodo au sud du Tchad comme il y a 15 ans avec une base arrière en Centrafrique ?
Nous ne voulons aucune rébellion. On veut que l’Afrique connaisse enfin une paix.
RFI
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