Figure historique du football tchadien, l’ancien milieu offensif accuse notamment la fédération nationale d’être incompétente. Et il n’épargne pas la Fifa.

 

Champion du Tchad en 1987 avec le Tourbillon FC de N’Djamena, champion de France en 1995 avec le FC Nantes, Japhet N’Doram (49 ans) a effectué l’essentiel de sa carrière en Europe, à Nantes (1990-1997), puis à l’AS Monaco (1997-1998) et avec les Sao, la sélection nationale (1989-1998). Depuis, l’ancien attaquant suit avec attention l’évolution du football tchadien.

 

Le dernier épisode en date l’a navré, à défaut de le surprendre. Quatre jours après être parvenu à battre les Pharaons à N’Djamena (1-0), le Tchad s’est incliné face à l’Égypte (0-4) en match qualificatif pour la Coupe du monde, le 17 novembre, à Alexandrie. Ce que l’on a appris un peu plus tard, c’est que la sélection tchadienne n’avait posé le pied sur le sol égyptien qu’une heure avant le coup d’envoi, obligeant la Fifa à décaler l’horaire du match pour permettre aux joueurs de rejoindre le stade et de s’échauffer.

 

« L’équipe a quitté N’Djamena tardivement prétendument parce qu’il n’y avait pas d’argent pour payer les billets d’avion. Mais de qui se moque-t-on ? s’indigne N’Doram. Ce match en Égypte était programmé depuis des mois, et la fédération n’a pas été capable d’anticiper alors que de l’argent est alloué par l’État pour la sélection ? Où va cet argent ? Et pourquoi l’État ne cherche-t-il pas à vérifier comment il est utilisé ? »

 

Le football tchadien, un système mafieux ?

 

La charge est tout aussi violente qu’argumentée. « J’ai pu constater depuis de longues années que le football tchadien souffre d’un manque évident de visibilité et de régularité. Tout simplement parce qu’il est géré par des personnes incompétentes qui ne veulent surtout pas que les choses évoluent, alors qu’il a un vrai potentiel », martèle Japhet N’Doram.


« Il y a cinq ans, le ministère des Sports m’avait convaincu de revenir au pays afin d’y développer une structure comparable à un véritable centre de formation national, le centre technique de Milézie-Farcha, poursuit-il. Je suis resté deux ans sur place, en consentant de gros sacrifices familiaux. Mais rien n’avançait parce que des gens haut placés à la fédération ne le voulaient pas. On marchait sur la tête. Alors que la FIFA avait versé de l’argent à plusieurs reprises dans le cadre des projets Goal, on construisait les bâtiments administratifs avant de faire des terrains ! » La fédération tchadienne a en effet reçu 449 181 dollars en 2002 (environ 430 000 euros, à l’époque), 399 915 dollars en 2006, 351 226 en 2010… et un quatrième projet Goal de 500 000 dollars lui a été attribué en 2013. « Le problème, c’est que la Fifa ferme les yeux ! » déplore N’Doram.

 

Il y a de bons joueurs locaux, et les expatriés apportent leur expérience européenne, commente N’Doram

 

C’est ce qu’a constaté le Français Emmanuel Tregoat, sélectionneur des Sao de février à septembre 2014, et qui a remporté au passage la Coupe de la Cemac. « Quand la Fifa envoie des émissaires pour qu’ils contrôlent l’utilisation de l’argent versé, ces derniers estiment que tout va bien. Je pense que cela doit arranger pas mal de monde. » N’Doram va plus loin. « Un véritable système mafieux s’est mis en place. Et c’est au détriment de la jeunesse, car il n’y a aucune politique de formation. Quant au championnat national, il est mal organisé, mal préparé, et donc assez faible. C’est vraiment dommage, regrette-t-il. Les victoires à la Cemac, contre l’Égypte, la Guinée et la Sierra Leone en sont la preuve. Il y a de bons joueurs locaux, et les expatriés apportent leur expérience européenne. »

 

Emmanuel Tregoat, qui garde un œil attentif sur son ex-pays d’accueil, n’est guère surpris par les derniers potins parvenus de N’Djamena. « J’ai entendu dire que les joueurs avaient été obligés de céder une partie de leur prime de qualification pour le deuxième tour des éliminatoires de la Coupe du monde [en octobre, face à la Sierra Leone, 1-0, 1-2] à des dirigeants et à des membres de la fédération. Cela ne m’étonnerait pas… »

 

Alexis Billebault

 

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