5 février 2016 TCHAD/France: Le Sénateur socialiste Gaëtan Gorce: « je n’abandonnerai pas Ibni Oumar Mahamat Saleh, tant que je siégerai au Parlement.
En quête de vérité
Voici huit ans jour pour jour, Ibni Oumar Mahamat Saleh, leader de l’opposition démocratique tchadienne était enlevé par l’armée du régime. Ce jour là, « la bataille de N’Djamena » faisait rage. Deux mille rebelles appuyés par le Soudan tentaient de prendre possession de la ville défendue par l’armée tchadienne secondée par les forces françaises. Profitant de la panique, le régime d’ Idriss Déby écrouait nombre de ses opposants politiques, arrêtés à leurs domiciles comme de vulgaires criminels, alors même que l’assaut avait été repoussé depuis plusieurs heures.
L’un d’entre eux, le plus respecté, ne réapparaitra jamais. Aujourd’hui encore, les circonstances de sa probable mort nous sont inconnues. Rien n’y aura fait, ni la commission d’enquête internationale préconisant une enquête judiciaire, ni les engagements de Nicolas Sarkozy alors président de la République, ni l’ampleur de la mobilisation internationale, ni les efforts déployés au Parlement avec mon collègue Jean-Pierre Sueur (résolution adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en 2010, interpellations régulières du gouvernement), ni la plainte déposée par ses fils Hicham et Mohammed devant le tribunal de grande instance de Paris… Huit ans plus tard, le mystère reste entier.
La seule certitude que nous avons est qu’Ibni Oumar Mahamat Saleh a été arrêté par des unités dépendant de la garde présidentielle le 3 février 2008 pour ne plus jamais reparaître.
Il occupait une place prépondérante dans le jeu politique tchadien. Infatigable artisan de la fragile unité du pays, il était de ceux qui pouvaient s’adresser au nord musulman (région d’origine de Déby) comme au sud chrétien (bastion traditionnel de l’opposition); il était celui qui pouvait incarner pacifiquement l’alternance politique au Tchad.
Cela a sans doute suffi à le condamner à mort.
Depuis huit ans, nous ne faisons que demander la vérité. Nous n’exigeons pas un coupable, ni même un procès. Simplement la vérité. Nous voulons savoir ce que le corps supplicié d’Ibni a connu de sévices, ce qu’est devenue sa dépouille, ce qu’en ont fait ses bourreaux.
C’est encore trop pour le régime tchadien. Et sans doute aussi pour les gouvernements français successifs qui ont renoncé, pratiquement sans combattre, à l’obtenir. Le Tchad est en effet devenu un allié incontournable dans la guerre engagé contre le terrorisme au Mali et dans tout le Sahel. De quel poids pèse dans un tel contexte la vie d’un être humain ?
Mais c’est mal poser la question que d’y voir l’une de ses tragédies dont le continent africain est malheureusement si riche. Au delà d’Ibni, c’est l’Honneur qui est en jeu, cette vieille chose avec laquelle on ne gagne certes pas des batailles….L’Honneur de notre République dont les « serviteurs » empressés auraient pu au moins apprendre avec le temps que le rappel de ses principes ne contrevient pas à nos intérêts mais contribue à les servir.
Au point d’obscurité où nous en sommes dans cette affaire, après huit ans de démarches vaines, comment ne pas ressentir une forme de honte pour ce pauvre cynisme qui nous sert de stratégie dans la région ? Comment ne pas se sentir accablé devant le » cynisme naïf » de dirigeants qui croient que c’est en cachant ce que l’on est que l’on s’assure les bonnes grâces de partenaires qui ne connaissent que le rapport de forces ?
Et pourtant, je n’abandonnerai pas. Tant que je siégerai au Parlement, je continuerai de demander patiemment, modestement, tenacement au Tchad la vérité et au gouvernement français pourquoi il ne fait rien pour l’obtenir !
Source: Le Blog du parlementaire français Gaëtan Gorce
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