MOUVEMENT DU 3 FEVRIER

 

 « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »

 

Contact : m3ftchad@yahoo.fr

  

Peuple tchadien,

 

Cela fait six ans presque jour pour jour depuis ce tragique 3 février 2008. Six interminables années pendant lesquelles nous avons cessé de penser à ce jour qui marque pour chaque tchadien une double défaite. La première, ce fut l’enlèvement par la garde présidentielle du Professeur Ibni Oumar Mahamat Saleh, mathématicien et leader de l’opposition démocratique à la dictature d’Idriss Déby, dont nous sommes sans nouvelle depuis lors. Ce grand homme, qui avait voué sa vie à la lutte pour établir une véritable démocratie au Tchad, a payé de sa vie son engagement et son patriotisme.

 

Et comme si ce n’était pas assez, le même jour, à quelques heures d’intervalle, les tchadiens subirent une seconde défaite : la résistance au régime tyrannique et kleptocrate d’Idriss Déby, qui était entrée dans Ndjamena pour la libérer, en fut chassée par quelques reliquats de l’Armée Nationale Tchadienne mais surtout par les hélicoptères de l’armée française venus prêter main forte à un gouvernement aux abois.

 

Ainsi, depuis six ans, tous les tchadiens, même ceux écrasés par la peur d’un Etat policier, renâclent le souvenir de ce jour où les ténèbres n’auraient jamais du se dissiper ; un peu comme le prisonnier qui aurait vu la porte de sa geôle s’ouvrir et qu’on aurait refermée sur lui alors qu’il se précipitait à l’air libre. Ils attendent le moment où une opportunité de changement similaire se présentera, le moment où l’étau de la terreur se desserrera quelque peu sur eux et qu’ils pourront retourner l’arme de leur oppresseur contre celui-ci, lui portant le coup fatal. Mais ce moment ne vient pas. Au contraire, depuis six ans, l’enlèvement d’Ibni et l’échec de la résistance aux portes de Ndjamena, les divisions de l’opposition tchadienne ne cessent de s’approfondir, les querelles fratricides se montrent chaque jour plus irréversibles, et l’espoir de changement s’en trouve réduit à peau de chagrin.

 

Alors, pourquoi choisir la date du 3 février comme symbole de notre mouvement, comme point de départ de notre lutte ? Pourquoi choisir un jour de tristesse et de peine, de défaite et de renoncement ? Précisément, comme l’écrivait le peintre Georges Braque, parce que « certaines de nos blessures se doivent de devenir lumières » ; parce que ce jour doit être un commencement et non, comme d’aucuns sont portés à le croire, une fin. Mais, pour arriver à cela, il nous faut apprendre des fautes qui ont été commises, la division, le clanisme, le manque de communication sur nos véritables objectifs, prendre acte de l’échec de Ndjamena, constater nos pertes aussi, notamment celle irréparable du Professeur Ibni. Ainsi, et seulement ainsi, nous pourrons prendre le nouveau départ dont le peuple tchadien a cruellement besoin.

 

Car celui-ci souffre, d’une manière indicible. Engoncé dans une pauvreté répugnante alors qu’une infime minorité se prélasse dans l’or et le stupre, sans eau courante, sans électricité, même dans la capitale, sans possibilité décente de se soigner à moins de s’exiler à l’étranger, la population tchadienne, à aucun moment des vingt-trois années du règne sans partage de Déby, n’a entrevu le bout du tunnel. De plus, sa liberté d’expression est bâillonnée et son seul choix électoral est d’arbitrer entre un parti au pouvoir hégémonique, le Mouvement patriotique du salut, et des entités satellites.

 

Et toutes les résistances contre cet insupportable état de fait, toutes les velléités libertaires sont durement mâtées par un régime qui n’hésite pas un seul instant à porter atteinte aux droits les plus fondamentaux de l’Homme, en torturant, violant, tuant sans vergogne tous ceux qui s’opposent à lui. Tel Saturne dévorant ses enfants, Idriss Déby a décidé de sacrifier son peuple sur l’autel de son incommensurable soif de pouvoir, quitte à ne laisser que ruines et désolation derrière lui.

 

Mais aussi étroit soit le chemin vers la liberté, aussi nombreux soient les châtiments infâmes, nous restons convaincus qu’il reste une voie pour ceux qui refusent de céder au désenchantement, à l’instinct grégaire. Nous voulons dire à tous ceux qui souffrent que quelle que soit la longueur de la nuit, un jour, l’aube finira par se lever, Idriss Déby et toute sa clique par partir. Mais nous ne pouvons attendre que ce jour nouveau survienne en restant les bras croisés, tandis que le Tchad et les tchadiens s’enfoncent toujours plus dans la pauvreté et l’arbitraire.

 

C’est pourquoi, six ans après le 3 février 2008, nous créons le Mouvement du 3 Février (M3F) afin de fédérer tous les tchadiens soucieux de rétablir la justice et la démocratie dans leur pays. Ce Mouvement vise à regrouper sans discrimination aucune tous ceux qui s’opposent ou qui veulent s’opposer au pouvoir du Palais Rose, partisans de l’opposition démocratique se réclamant des idéaux d’Ibni, soldats de l’ex-rébellion, membres de la société civile, d’organisations de défense des Droits de l’Homme ou simples citoyens de l’ensemble des 23 régions du Tchad. Mais, afin de mettre un terme une fois pour toute aux errements du passé, nous ne nous enferrerons pas dans des querelles de personnes en établissant une hiérarchie au sein de notre Mouvement. Celui-ci sera strictement égalitaire et tout à chacun sera libre d’y adhérer sans s’y voir subordonner à une quelconque autorité. 

 

Ainsi, nous ne répéterons pas les même erreurs qui nous avaient coûtées la victoire en 2008. Et nous montrerons dans le même temps à Idriss Déby que l’opposition à son régime n’a pas vocation uniquement à prendre sa place, à remplacer une tyrannie par une autre tyrannie mais bien à donner un véritable avenir au Tchad, dans la paix (une véritable paix, non une stabilité de façade comme c’est actuellement le cas) et le développement. Car, si notre insurrection triomphe, si nos efforts sont justement récompensés, nous n’agirons de la même manière que ceux qui nous ont bien trop longtemps précédés.

 

Oui, nous ne bâillonnerons pas la démocratie et laisserons tout à chacun s’exprimer comme il entend ses convictions et même ses récriminations contre le pouvoir en place, nous ne détournerons pas la manne pétrolière au profit d’un seul clan ou d’une seule famille, laissant le reste de la population croupir dans de misérables conditions de vies, nous mettrons en place un véritable plan de développement du pays, destiné à promouvoir l’agriculture ou bien encore à réhabiliter le système éducatif et celui de la santé. Par ailleurs, nous ne nous ingérerons pas dans les affaires de pays-tiers comme le fait Idriss Déby en République Centrafricaine et nous inciterons tous les citoyens tchadiens, chrétiens et musulmans, quelle que soit leur origine ethnique, à se reconnaître comme frères. Enfin, nous restaurerons tout ce qui a fait la valeur et la caractère exceptionnel de la société tchadienne, des mots qui ont aujourd’hui perdu de leur sens sous un régime sans foi ni loi, la dignité, le courage et surtout la justice.

 

Tel est le credo du M3F. Et nous invitons l’ensemble des tchadiennes et des tchadiens, exilés, vivants à l’étranger ou résidants au pays à nous rejoindre, à rejoindre ce combat pour que les idéaux d’Ibni triomphent enfin, pour qu’advienne un Tchad meilleur. Nous avons besoin de tous, car il nous faudra être une multitude pour mettre à bas ce système qui oppresse la terre de Toumaï depuis maintenant plus de deux décennies. Alors n’hésitons pas, car, comme le clame avec force notre hymne national : « Notre liberté naîtra de notre courage ».

 

Pour Ibni, pour le Tchad !

 

 

Fait à Orléans le 1er février 2014,

 

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