Le cas du professeur Ibni Oumar Mahamat Saleh du Tchad en discussion. LIEU: Alternative Espace Citoyen, Centre culturel FRANTZ FANON
 
 
L’espace Frantz Fanon de Alternative Espaces Citoyens a accueilli, le jeudi 12 juin 2014, une conférence-débat qui a pour thème : « Assassinat politique en Afrique : cas du professeur Ibni Oumar Mahamat Saleh ». Une conférence organisée par le Groupe de Réflexion et de Conscience pour Ibni, section du Niger, en vue de perpétuer la mémoire de cet opposant et homme de sciences, disparu en 2008 mais également de faire le point sur les actions menées depuis lors pour faire jaillir la vérité sur cette disparition.
 
Ibni Oumar Mahamat Saleh était un des plus virulents opposants au régime d’Idriss Deby au Tchad. Après des années de combat politique, il fut enlevé à sa résidence de Ndjamena le 3 février 2008, par des militaires de la garde présidentielle, sous les yeux de sa famille, pour l’emmener vers une destination inconnue. C’était au cours des événements sanglants qui ont secoué le pays cette année là. Selon Ibni Oumar Mahamat Saleh Ibrahim, fils de l’opposant tchadien et conférencier du jour, l’Afrique a, certes connu son lot d’assassinats politiques mais la particularité du cas Ibni Oumar Mahamat Saleh, est que sa dépouille n’a jusqu’à présent pas été retrouvée, encore moins son deuil célébré.
 
 
Une commission d’enquête a été mise en place afin de faire la lumière sur cet enlèvement. Celle-ci a conclu que « la disparition du professeur incombe au gouvernement tchadien » a déclaré le conférencier. Pour ce dernier, « les conclusions de cette commission, dans son rapport remis le 31 juillet 2010, sont claires sur deux points : tout d’abord, la responsabilité de la présidence tchadienne est engagée dans la disparition du professeur Ibni, l’ordre de l’enlèvement ayant été décidé au plus haut niveau » ; en outre « à l’heure de la disparition de ce dernier, la capitale était sous le contrôle de la garde présidentielle (page 155 du rapport) ». Le rapport est assez clair poursuit Ibrahim Ibni, puisqu’il « évoque la responsabilité de la garde présidentielle pour avoir commis des violations graves, attentatoires à la dignité humaine et pour avoir participé à l’enlèvement de personnalité politiques et civiles (page 152 du rapport) ».
 
Malgré ces éléments accablants contre le pouvoir de Ndjamena, la justice tchadienne, saisie, a finalement conclue à un non-lieu. Ce qui a conduit la famille du disparu à mener d’autres actions, en saisissant notamment le tribunal de grande instance de Paris ; d’où, la décision de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris d’autoriser une enquête. Dans le même temps, un rapport commandité par l’Union européenne dénonçait la corruption et les conditions du déroulement de l’enquête nationale tout en estimant la possibilité de lancer une procédure internationale. Depuis lors devait expliquer Ibni Oumar Mahamat Saleh Ibrahim, une procédure a été lancée auprès de la cour pénale internationale, afin d’enquêter pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans ces événements du Tchad ; de même, une plainte a été déposée auprès du conseil des droits de l’homme, par rapport aux crimes de guerre commis par le gouvernement tchadien en février 2008.
 
L’autre conférencier, Mamoudou Souley, acteur de la société civile nigérienne, a quant à lui pris la parole pour entretenir le public sur l’envergure du disparu et sur ses qualités d’homme engagé, décidé à mettre en place dans son pays, une société de paix, de justice et de développement. Pour M. Souley, on peut considérer que le Niger est le pays d’adoption du « disparu » ; il a rappelé à cet effet que le professeur Ibni Mahamat a vécu et travaillé au Niger en tant que professeur à l’université de Niamey où il a assumé les fonctions de chef du département de mathématiques à la faculté des sciences ; pendant ce temps, son épouse était sage-femme à la maternité centrale, actuelle maternité Gazoby.
 
Aujourd’hui, en vue de préserver et de perpétuer sa mémoire mais surtout de poursuivre ses engagements en faveur des mathématiques en Afrique, un prix en son nom a été institué. Il est attribué chaque année à un jeune mathématicien ou une jeune mathématicienne, d’Afrique de l’Ouest ou d’Afrique centrale, par un comité scientifique mis en place par le Centre International des mathématiques pures et appliquées. Ce prix est financé par une souscription lancée par différentes sociétés savantes de mathématiques. Il a été établi en 2008 et a permis depuis, à plusieurs jeunes mathématiciens, dont un nigérien de poursuivre leurs travaux de recherche et de soutenir leurs thèses de doctorat.
 
 
 
 
Par SEYDOU ASSANE
 
 
 
 

 

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