Les combattants islamistes de Boko Haram n’ont rien épargné au cours de l’offensive la plus « destructrice » de leur six années d’insurrection à Baga, dans l’Etat de Borno, au nord-est du Nigeria, affirment Amnesty International et Human Rights Watch (HRW), jeudi 15 janvier, s’appuyant sur des témoignages et des images satellite.

Amnesty International relate le récit d’un témoin de l’attaque de la ville de Baga, sur les rives du lac Tchad. Cette personne, dont le nom n’a pas été révélé, affirme qu’une femme enceinte a été abattue en plein travail, en même temps que plusieurs jeunes enfants. « La moitié du bébé était sortie et elle est morte dans cette position », raconte ce témoin cité par Amnesty. Selon l’organisation, des centaines de personnes, si ce n’est plus, pourraient avoir été tuées dans cette offensive lancée le 3 janvier qui semblait viser les milices civiles d’autodéfense assistant l’armée contre Boko Haram. « Ils ont tué tellement de gens. J’ai peut-être vu 100 personnes tuées à un moment à Baga. J’ai couru dans la brousse. Alors que nous courions, ils mitraillaient et tuaient », décrit aussi un quinquagénaire non identifié. Une autre femme ajoute : « Il y avait des cadavres partout où je regardais ».


 

BILAN INCONNU DANS UNE ZONE INACCESSIBLE

Ces témoignages corroborent les propos de responsables locaux, selon lesquels le bilan des victimes est extrêmement élevé, ainsi que ceux de témoins qui décrivaient des rues parsemées de cadavres en décomposition. Un homme échappé de Baga après être resté caché trois jours avait ainsi déclaré avoir « marché sur des cadavres » sur cinq kilomètres dans sa fuite à travers la brousse. « Le nombre exact de victimes à Baga et dans les 16 villages alentour est inconnu, avec des estimations allant de dizaines de victimes à 2 000 morts ou plus », poursuit HRW. Amnesty et HRW ont également publié jeudi des images satellite de Baga et Doron Baga, à 2,5 kilomètres de distance, qui montrent l’ampleur des ravages. Prises à cinq jours d’écart, la veille de l’attaque et quatre jours après, les photographies aériennes montrent que de nombreuses habitations et commerces ont été rasés.

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Le nombre exact de victimes à Baga et dans les 16 villages alentours est inconnu, avec des estimations allant de dizaines de victimes à 2000 morts ou plus », indique HRW.
Le nombre exact de victimes à Baga et dans les 16 villages alentours est inconnu, avec des estimations allant de dizaines de victimes à 2000 morts ou plus », indique HRW. Crédits : http://www.hrw.org/

Plus de 3 700 bâtiments ont été endommagés ou détruits, 620 à Baga et 3 100 à Doron Baga, selon un calcul d’Amnesty, qui a précisé que le chiffre pouvait être en réalité plus élevé. « Ces images détaillées montre les proportions catastrophiques de la dévastation dans deux villes, l’une d’entre elles ayant presque été rayée de la carte en l’espace de quatre jours », a déclaré l’enquêteur d’Amnesty au Nigeria, Daniel Eyre. Doron Gowo, la localité hébergeant la base de la Force multinationale (MNJTF comprennant des soldats tchadiens, nigériens et nigérians) est la plus touchée, 57 % de son territoire étant détruit, note HRW.
 

L’ARMÉE TENTE DE REPRENDRE LA ZONE

L’armée nigériane, qui a tendance à minimiser les bilans de victimes, a affirmé cette semaine que 150 personnes avaient été tuées, qualifiant de « sensationnalistes » les estimations faisant état de 2 000 morts. Les observateurs jugent qu’il sera presque impossible de connaître le compte exact, alors que l’accès à la ville de Baga et ses alentours est sous contrôle rebelle et donc impossible d’accès. Seize localités ont été brûlées et 20 000 personnes ont dû fuir la région, selon des responsables locaux. L’armée nigériane tente, à l’heure actuelle, de reprendre la zone à Boko Haram. Selon le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies, 11 320 personnes ont trouvé refuge au Tchad voisin en quelques jours. « Les meurtres délibérés de civils et la destruction de leurs biens par Boko Haram constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité et appellent une enquête en conséquence », a déclaré Amnesty International.
 

GOODLUCK JONATHAN EN VISITE SURPRISE

L’attaque de Baga est survenue à un peu plus d’un mois des élections présidentielle et législatives, qui doivent se tenir le 14 février, et s’inscrit dans une flambée de violence visiblement destinée à perturber la tenue du scrutin. Le président nigérian Goodluck Jonathan, en pleine campagne électorale, s’est d’ailleurs rendu jeudi dans le nord-est du Nigeria pour la première fois depuis près de deux ans. Il est arrivé à Maiduguri, capitale de l’Etat de Borno et fief historique de Boko Haram, accompagné notamment par le chef d’Etat major des armées, Alex Badeh, et escorté par environ 200 soldats. S’adressant aux déplacés de Baga, il a promis : « Vous rentrerez bientôt chez vous ».


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique:lma/article/2015/01/15/nigeria-des-images-satellite-temoignent-du-massacre-de-baga_4556480_3212.html#ZfGj957Gp3keilpZ.99
 
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