A part Paul Kagamé, les dirigeants actuels de notre Afrique ne peuvent décidément plus  se passer de la France ; quelques mois après le fameux sommet Afrique- France tenu à Paris du 6 au 7 Décembre 2013, c’est Goodluk Jonathan en personne, le président du tout puissant Nigeria qui demande à François Hollande d’organiser une rencontre qui réunira autour de lui le 17 mai 2014, les chefs d’état du Cameroun, du Tchad, du Niger, du Benin et du Nigeria en vue de discuter de la stratégie à mettre en place pour lutter contre la secte Boko Haram ; cette secte après avoir enlevé plus de 200 jeunes lycéennes innocentes avait dans un premier temps menacé de les vendre comme esclaves avant de proposer au gouvernement nigérian  un échange contre certains de ses éléments faits  prisonniers.

Il vrai que ces derniers temps, le palier franchi par cette organisation terroriste dans la barbarie a occasionné une mobilisation générale de la communauté internationale et la nécessité d’une prise de mesures urgentes s’est fait  impérativement sentir. 

Seulement, la fébrilité avec laquelle le président nigérian  s’est précipité chez le français Hollande n’a d’égal que son incapacité à régler le problème Boko Haram ; par ce que ce problème est d’abords un problème interne au Nigeria ; mais ce débat qui est d’actualité n’est pas l’objet de notre étude ici ; ce qui nous intéresse dans cette affaire, c’est le fait que les dirigeants actuels de l’Afrique  restent convaincus que les solutions de tous les problèmes africains se trouvent à Paris, Bruxelles ou Washington ; le piètre spectacle offert par les cinq chef d’état « convoqués » par F . Hollande à Paris est à cet égard révélateur du degré d’infantilisation dont l’Afrique fait une fois de plus l’objet.

Nos dirigeants actuels par ce geste ont démontré qu’ils n’arrivent même pas à la cheville de certains de leurs ainés artisans de l’indépendance du continent ; en dépit des marges de manœuvres étroites dont ils avaient disposé à l’époque vis-à-vis des anciens colonisateurs, les Kwamé N’ khruma, Patrice Lumumba, Barthelemy Boganda, Gamal Abdel Nasser et autres Julius Nyerere ne se sont jamais détachés des valeurs qu’un digne représentant d’un peuple se doit d’observer ; jamais, la dépendance économique de leurs pays respectifs à l’égard de l’occident ne les a  amené un seul instant à aliéner leur dignité .

D’autre part, la diplomatie Nigériane même à l’époque où ce pays était dirigé par des miliaire a toujours été à l’avant-garde de la libération totale du continent africain : personne n’ignore que si aujourd’hui toute l’Afrique australe est libérée du joug des colonisateurs et autres politiciens de l’abject apartheid, c’est en grande partie du à la politique étrangère du Nigeria qui avait usé de tout son poids économique pour faire entendre la voix de l’Afrique dans les arènes internationales ;

Quand la France au cours des années 70 avait tenté de créer une armée panafricaine d’intervention pour mieux vassaliser certains régimes politiques Africains, Julius Nyerere alors Président de la Tanzanie était le seul à s’opposer à cette initiative ; pour lui, une telle armée sera « contre l’Afrique » ; la Tanzanie était un pays d’autant plus pauvre que la reforme agraire entreprise par les autorités à l’époque avait brillamment échoué ; pourtant, ce pays avait toujours continué à bénéficier du respect des pays occidentaux à cause tout simplement de la stature de son chef : Julius Nyerere.  

A contrario, avec la mondialisation, nos pseudo démocrates actuels disposent pourtant de suffisamment d’atouts leur permettant de diversifier leurs relations économiques et donc de s’affranchir de la tutelle de leurs anciens colonisateurs ; malheureusement, force est de constater que l’inféodation de nos pays à la France n’a jamais été aussi totale. 

Si certains de nos dirigeants de l’Afrique francophone  nous ont habitués à ce genre de comportement, l’attitude du Président nigérian est surprenante à plus d’un titre : s’ il est vrai que la lutte contre Boko Haram et ses accointances avec le djihadiste international incitent à solliciter une assistance de la communauté internationale, elle ne doit aucunement justifier cet humiliant  appel au secours adressé à la France :  ceci est d’autant plus avilissant que si nous suivons la logique qui a guidé Goodluk Jonathan, nous arriverons au raisonnement suivant :  la France est la seule puissance à avoir intervenu au Mali quand elle avait réalisé que la CDEAO  était incapable de constituer une  armée capable de faire face à la menace islamistes ; pour le Président Nigérian donc, la France est le seul pays à même non seulement d’intervenir chez lui contre Boko Haram, mais également de le tirer d’affaire en réunissant les quatre autres chefs d’état concernés par cette menace et surtout de réchauffer ses relations avec ses voisins immédiats; ce que la France s’est empressé de faire ; il lui avait suffit pour cela d’un claquement de doigt pour que des chefs d’états comme ceux du Benin, du Cameroun, du Tchad et du Niger, bref ceux du sérail francophone ne se précipitent ventre à terre vers elle, trop heureux pour cela de bénéficier de la sollicitude de François Hollande ; en raison de la mauvaise gouvernance qu’ils pratiquent chez eux, cette sollicitude est devenue pour certains d’entre eux ,  synonyme de légitimité . 

Il faut reconnaitre que depuis la prise de pouvoir par Goodluk Jonathan, la diplomatie nigériane a  décliné au point de perdre toute influence non seulement sur les affaires mondiales, mais même sur la scène africaine ; l’illustration de cette décadence est l’appel au secours à l’endroit de Paris ; geste qui, en soi est un aveu d’impuissance.  

l’élite  africaine a malgré tout du mal à  comprendre  qu’un  pays aussi puissant que le Nigeria  ne puisse pas être en mesure de convoquer un sommet à ABUJA mettant en présence les trois pays riverains du Nigeria (Niger, Tchad, Cameroun) directement concernés par la menace Boko Haram  ; l’importance du sujet à débattre, nous en sommes convaincus, est suffisant pour entrainer la participation de tous les trois chefs d’état ; il est évident que compte tenu du fait que la menace terroriste de l’islamisme radical est désormais un enjeu stratégique  devenant ainsi l’affaire de tous, les puissances occidentale seront obligées d‘apporter leur logistique  puisqu’elles sont concernées au même titre que les autres pays ; point n’est donc besoin d’user de courbettes  pour obtenir l’aide de l’occident.

Nous aurions aimé que nos dirigeants actuels s’inspirent de leurs ainés pour mener une politique africaine plus indépendante et plus digne; ils en ont les moyens et nous voudrions que le chef de l’état Nigérian se départisse de son attitude actuelle afin d’être digne d’un pays de l’envergure du Nigeria ; un pays dont le poids économique est salutaire pour plusieurs nations africaines et dont la diplomatie a fait pendant longtemps, la fierté du Continent.

Fait à N’Djamena le 23 Mai 2014


Mahamat Nour IBEDOU

Secrétaire Général de la Convention Tchadienne pour la Défense des Droits Humains

                                               (C.T.D.D.H)

 

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