Après une retenue de quelques jours caractérisée par une indifférence presque totale, les langues commencent à se délier. Si certains reviennent sur le parcours du défunt Général Mahamat Ali Abdallah, d’autres en revanche réagissent par rapport aux manifestations des proches qui pleurent sa disparition et surtout de l’Etat tchadien qui mobilise d’énormes moyens pour rendre un honneur à un de ses fidèles « serviteurs ».


La religion, nos traditions et notre éducation nous enseignent qu’il ne faut jamais cracher sur les morts. Faire des éloges imaginaires sur le défunt reviendrait également à la même chose. Le Général Mahamat Abdallah Nassour n’avait rien de plus ni de moins que les barrons actuels du régime MPS. Il a été d’un apport capital dans la conquête du pouvoir en 1990 et a déployé d’énormes sacrifices pour assurer la pérennité du régime Deby, participant ainsi à tous les niveaux à l’entreprise destructrice de la nation tchadienne.

 

Et pourtant, il serait abusif de faire croire que le Président Idriss Deby Itno pleure son compagnon de lutte Mahamat Ali Abdallah Nassour. Pour ceux qui connaissent les deux hommes et qui ont suivi assidûment leur compagnonnage, ils se rappelleront d’un certain Colonel Abbas Koty Yacoub, tuteur du défunt Nassour auquel il était très rattaché. Néanmoins, en 1992, lorsque la brouille s’installa entre le Président Deby et le Comchef Abbas Koty, Mahamat Ali Abdallah Nassour, alors Directeur général de la Star nationale, choisit le camp de Deby. La suite vous la connaissez, le coup d’Etat est avorté, Abbas Koty, Bichara Digui, Idriss Haggar et autres se refugieront au Cameroun puis en Libye. Kadhafi les force à rallier à défaut de les livrer. Un accord de paix bancal a été signé et les frères se retrouvent à nouveau à N’Djamena. Mais la confiance n’y est plus. A peine quelques semaines et Deby passe à l’action, Abbas Koty est assassiné à son domicile, son corps exposé au commissariat central pendant des heures où défileront le clan Deby. Vers 19h, Deby lui-même y passa, le regarda quelques instants, puis écrasera son mégot de cigarette près du corps sans vie de celui qui fut le n°3 du régime MPS.

 

A partir de ce moment, Mahamat Abdallah Nassour va osciller dans la sphère étatique suivant les humeurs et les soupçons de Deby. Il fut d’abord nommé Comchef, pas en guise de récompense pour sa trahison (excuser du peu !) mais surtout pour freiner une éventuelle saignée dans les rangs du clan au pouvoir vers le CNR qui jurait de venger son chef assassiné.

Puis il fut nommé Ambassadeur du Tchad en France, un poste stratégique mais sans aucun risque pour Deby. Je me rappelle de cet article salé du sieur Ahmat Yacoub Dabio sur son site Alwihda intitulé « Un docker devenu Ambassadeur à Paris. ».

 

Lorsque feu Youssouf Togoimi entra en rébellion et créa le MDJT, l’inquiétude gagna le régime. Le Général Nassour fut rappelé de Paris. Il sera nommé Préfet de Moundou où les recettes furent saignées à blanc.

 

Lorsque pointèrent les évènements de l’Est entre fin 2005 et février 2008, le Général retrouva ses galons et a fait une entrée au gouvernement au poste de Ministre des transports. Poste qu’il n’occupera que quelques mois car il sera renvoyé à la Présidence de la République en qualité de Conseiller spécial. M. Acheikh Ibni Oumar vous dira qu’est-ce que cela signifie réellement être un Conseiller de Deby !

 

En février 2008, lorsque la coalition des mouvements armés entra à N’Djamena, le Président Deby fut exfiltré par les forces françaises vers Libreville. A N’Djamena, c’est encore le Général Mahamat Ali Abdallah Nassour qui assurera le commandement des opérations aux côtés des forces spéciales françaises et des mercenaires étrangers qui pilotaient les hélicoptères. Après le retrait des rebelles, il se présenta à la télévision nationale pour faire une déclaration. En ce moment, Idriss Deby passa des nuits blanches au Gabon d’où il suit impuissant les évènements militaires au Tchad. L’opposition a même cru un instant que le Président Deby serait mort ou gravement blessé.

 

Dès son retour sur N’Djamena pour prendre à nouveau le règne du pays, Idriss Deby dégomme son « sauveur » le Général Nassour qui ne figure nulle part dans l’attelage gouvernemental et militaire. Ceux qui croyaient à une promotion importante du Général Nassour se sont donc une fois de plus trompés. Quelque temps après, des rumeurs folles font état de son empoisonnement et commencèrent alors des séjours réguliers pour des soins en France et ailleurs. Des tentatives hasardeuses pour réhabiliter les Baministes le placèrent au bureau politique du MPS et finalement au Conseil Economique et Social.

Le Général Mahamat Ali Abdallah Nassour a tout donnée pour Idriss Deby. On ne peut pas la même chose pour Deby qui a toujours gardé une méfiance envers lui. Tout comme avec Hassane Fadoul Kitir dans l’affaire de faux dinars de Bahreïn, Idriss Deby a cherché un bouc émissaire en la personne de Mahamat Ali Abdallah Nassour dans la mort de l’opposant Ibni Oumar Mahamat Saleh. Avec lui, commandant des opérations en février 2008, disparait un témoin clé de l’affaire Ibni. 

A Dieu nous appartenons, à lui nous retournons.

Par Tahir Toké
N’Djamena – Tchad

 

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