Cellule de Communication.

Compte rendu du procès au Tchad des co-accusés dans l’affaire Habré.

 

F     Rappel des circonstances qui ont entraîné l’ouverture de ce procès au Tchad concernant les personnes co-accusées dans l’affaire Habré.

 

Dans le cadre de la mise en œuvre du soi-disant "mandat" donné par l’Union Africaine au Sénégal pour juger les supposés responsables des crimes commis au Tchad pendant la période de 1982-1990, le Tchad avait signé des accords de coopération judiciaire avec le Sénégal et avec l’UA. Aux termes de ces accords, le Tchad s’engageait à coopérer pleinement pour permettre le transfèrement des témoins et accusés à Dakar auprès des Chambres africaines extraordinaires (CAE). Très tôt, le pouvoir de Deby, à travers ses représentants, travaillant avec les juges d’instruction dans le cadre des commissions rogatoires, a montré de la mauvaise volonté pour faire convoquer les personnes visées. Du reste, face au refus de celles-ci, aucun mandat d’amener ne fut décerné. Les choses se déroulaient mal dés la phase d’exécution des commissions rogatoires. Puis, le Tchad décide de se constituer partie civile, alors qu’un État, personne morale ne pouvait se substituer aux prétendues victimes pour le faire d’une part, et d’autre part, les statuts des CAE excluaient de leur compétence les réclamations d’ordre financier. Malgré cela, le régime de DEBY, fort  de sa position de bailleur de fonds principal, estime qu’il n’a jamais été question de Droit dans l’affaire Habré et exige à se constituer partie civile.

 

Après le rejet de son action par la chambre d’Accusation, l’État tchadien a décidé de sanctionner les juges des CAE en exigeant le remboursement des frais d’hôtel et perdiem versés par le régime Deby en plus de ce que  le Coordonnateur des CAE leur avait déjà assuré.

Dans la foulée, Idriss DEBY refuse désormais de collaborer et décide de lancer un procès au Tchad en actionnant les juges de la Cour Criminelle. Ce procès concerne une trentaine de personnes ayant appartenu aux différents services de sécurité sous le régime Habré.

Un certain nombre d’interrogations a agité les esprits par rapport à une procédure précipitée, destinée à soustraire de la compétence des CAE, les présumés auteurs principaux de supposées infractions.

 

Question : Qui a dressé la liste des personnes accusées de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, actes de tortures, et qui sont jugées au Tchad ?


Réponse

Ce sont les ONG, HRW et FIDH qui ont dressé la liste de ces personnes en collaboration avec les ONG locales tchadiennes avec l’accord du régime de Deby.

 

On constate que les plus hauts responsables, aujourd’hui, dans les hautes fonctions militaires ont été curieusement oubliés. On constate que même dans cette liste présentée par les ONG et reprise par la Cour Criminelle du Tchad, des noms ont été biffés ou encore des responsables sont là mais le régime de Deby a préféré ne pas aller les chercher.

 

Selon donc la loi, cette procédure est illégale car elle consiste à désigner arbitrairement des personnes qui se voient accusées, emprisonnées sans qu’au préalable des preuves d’infractions n’aient été établies et que des enquêtes prouvent qu’elles en sont les auteurs. 

 

Question : Comment travaillent les juges d’instruction Tchadiens puisqu’ils n’ont fait aucune enquête concernant les co-accusées ?

 

Réponse
Effectivement, aucune enquête n’a été faite par les juges d’instruction de la Cour Criminelle. Les dossiers sont issus des rapports d’ONG ou de la commission d’enquête montée par le pouvoir de Deby (une enquête subjective, non indépendante et orientée) ou encore par de simples dépositions accusatoires des plaignants, pour la plupart, instrumentalises par les ONG.

 

Des dépositions qui n’ont jamais fait l’objet de simples vérifications ou confrontations. Bref, cela ne peut pas être qualifié d’œuvre de justice tellement les principes procéduraux les plus élémentaires sont bafoués par des juges aux ordres d’un régime.

 

Question : On a entendu plusieurs accusés dire : « je n’ai jamais su qu’une plainte avait été déposée contre moi. ».

 

Réponse
C’est exact, d’ailleurs, plusieurs avocats ont souligné n’avoir pas trouvé de trace de plaintes contre leur client. Les juges ont répondu qu’une plainte collective avait été déposée. Or, en procédure pénale, cela n’existe pas. Les plaintes sont individuelles et analysées au cas par cas. Pour se simplifier la tâche, on a dressé une liste d’accusés et on a fait une plainte collective qui les concerne tous. C’est totalement abusif et absurde dans une affaire aussi grave.

 

Question : le Tchad n’ayant pas intégré dans son corpus législatif les crimes contre l’humanité, crimes de guerre, sur la base de quels textes législatifs va-t-on juger ces personnes ?


Réponse

C’est une question fondamentale, le crime de torture est prescrit au bout de 10 ans, les supposés infractions  remontent parfois à plus de 33 ans ! Et effectivement, le Tchad n’a pas intégré dans son Code, les crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Personne ne s’en préoccupe malgré le fait que les avocats des accusés n’ont cessé de le répéter.

 

Question : Comment condamner certaines personnes accusées si dans la chaine manquent des personnes qui, soit, ne sont plus en vie, soit que le régime de Deby ne veut pas les voir traduites devant la justice.


Réponse

C’est une question importante, ce qu’on voit se dérouler n’est pas une procédure pénale régulière et respectueuse des droits de la défense; c’est un bricolage organisé par le régime avec des juges qui ont accepté de piétiner ce qui fait l’essence même de leur mission.

 

Question : Certaines des personnes accusées ont défilé à la barre et on s’est rendu compte de la non maitrise des dossiers d’accusation par les juges eux-mêmes.

 

Réponse

Oui, prenons quelques exemples.

M Saleh Younous, ancien directeur de la DDS a déclaré aux juges et à la salle : «  Nous faisions face à une guerre sans merci de la part de la Libye et des Tchadiens qui lui étaient dévoués. Une déstabilisation sans précèdent du pays et n’eût été la DDS, beaucoup d’entre vous qui êtes là, devant moi pour me juger, ne seraient pas là et même les Tchadiens ne seraient plus tchadiens.

Le régime de Habré a fait face à la Libye, il s’est battu et a sauvé toute l’Afrique centrale de la folie de Kadhafi. Dans mon travail à la DDS, compte tenu de l’ampleur et des moyens mis en œuvre par Kadhafi, j’étais encadré par des conseillers Français, Américains et Israéliens. C’étaient des agents de la DGSE, de la CIA et du MOSSAD. Où sont- ils ? On devrait les faire venir ! ».

Fin de citation.

 

On a eu à la barre M. SABRE RIBE, qui avait été accusé par une femme de l’avoir arrêtée de manière illégale. Dans la salle, une confrontation a eu lieu entre M. RIBE et la plaignante.
M. Ribe a affirmé avoir reçu l’ordre d’arrestation de son chef ISSA ARWAI mais une fois sur place, la dame s’est opposée à son arrestation avec l’aide de sa mère. Il est reparti au poste pour en  référer à son chef, et c’est ce dernier qui est venu avec sa voiture prendre la dame et la conduire au poste. Ce que la plaignante a reconnu devant le tribunal. L’avocat de M. RIBE a fait remarquer aux juges que l’on a inculpé son client pour crimes de guerre, acte de tortures et crimes contre l’humanité. En l’espèce, l’accusation d’arrestation n’a pas tenu puisque la plaignante reconnaît, aujourd’hui, que c’est le chef aujourd’hui décédé qui a, au finish, procédé à son arrestation. En outre, a-t-il ajouté, une arrestation illégale n’est pas un crime, ni un acte de torture, ni un crime contre l’humanité. En d’autres termes, cette plainte était irrecevable.

 

Un autre accusé a été convoqué, il s’agit de M. Oumar SOUNY, ancien Directeur de la DDS. Des accusations pêle-mêle lui ont été balancées à la figure par un des juges. L’accusé a demandé aux juges de préciser les faits, ce que le juge n’a pu faire, ayant hérité d’un dossier préfabriqué et n’ayant lui-même pas procédé à aucune enquête.


Un autre juge se lance dans les détails et manifestement les accusations sont grossières. L’accusé interpelle les juges en ces termes : « Mais, moi, je ne suis resté à la tête de la DDS que 2 mois, j’ai été muté dans l’armée où j’ai continué ma carrière, et vous me parlez de plusieurs années. ». Les juges se contentaient de lire les fiches des ONG surchargées à souhait.

M. Oumar Souny a été confronté à un homme l’accusant d’avoir mangé dans son restaurant sans avoir réglé sa note. « Incroyable ! Sale menteur ! Tu me vois aller dans un restaurant manger sans payer, s’est exclamé l’accusé ».

Son avocat d’interpeller la Cour Criminelle : « Messieurs les juges, comment cette plainte est-elle recevable quand on a prétendument inculpé mon client de crimes de guerre, actes de torture et crimes contre l’humanité, c’est pas sérieux ! ». C’était tout simplement lamentable.

 

Ensuite, passage devant la cour criminelle de Mahamat Ouakaye, commissaire de police pendant le régime Habré et actuellement Directeur adjoint de la sûreté nationale. Un plaignant s’approche et précise avoir déposé une plainte contre Mahamat Ouakaye pour la disparition de son père. Il affirme aux juges que l’accusé est venu prendre son père à leur domicile. Interrogé par un des juges, Mahamat Ouakaye a déclaré ne s’être jamais rendu dans ce domicile. Petite confrontation, Ouakaye insiste auprès du plaignant : "Regarde moi bien, je suis facilement identifiable, je ne suis jamais allé chez toi pour arrêter ton père. Après un moment d’hésitation, l’homme reconnaît n’avoir pas vu Mahamat Ouakaye parmi les hommes qui ont arrêté son père mais déclare que l’accusé travaillait dans les services de sécurité à ce moment là. Irrité, l’accusé rétorque en direction de la Cour et du plaignant :" Pourquoi ne citez-vous pas aussi les autres personnes qui travaillaient, en ce moment là, et qui sont là.".

 

L’un des juges rebondit en lançant à Mahamat Ouakaye : cette accusation peut être crédible car M. Ouakaye, vous avez fait partie d’une commission créée par Décret présidentiel pour exterminer les hadjaraïs (ethnie du centre du pays dont est issu le plaignant). Réponse immédiate de l’accusé, quelle commission ? Par décret présidentiel ? Mais c’est incroyable ! Pouvez-vous me montrer ce décret présidentiel ? Cafouillage chez le juge qui fouille dans ces papiers, puis déclare : "J’ai lu cela dans le rapport de la commission d’enquête de 1992”.

En fait, une commission pareille n’a existé que dans la tête de personnes, membres de la commission d’enquête, aucune trace d’un pareil décret nulle part.

 

On constate que de nombreux plaignants ont eu comme instructions de désigner des personnes ciblées parce que tout simplement travaillant dans les services de sécurité.


On peut relever aussi que les rapports de commissions politiques et les rapports tendancieux et orientés des ONG, ne peuvent remplacer le travail d’enquête d’un juge d’instruction, travail indispensable dans une procédure pénale.
La CPI l’a relevé dans l’affaire Gbagbo.

 

Ainsi la différence entre l’agent qui va arrêter, celui qui fait un travail administratif et le chef de service qui donne l’ordre d’arrêter, n’est pas faite. Dans un cas, le chef est décédé, on veut rendre responsable, l’agent qui a conduit au poste la personne. Ce dernier refuse catégoriquement.

 

Les plaignants sont autoproclamés victimes et innocents. Or, une enquête objective aurait permis de faire la lumière sur ce qu’on pouvait leur reprocher. Ainsi que l’a souligné, Nodjigoto Haunan, un ancien directeur de la sûreté nationale à l’endroit d’une femme : "Les services vous ont arrêté car vous transportiez des documents dissimulés dans des sacs de riz pour les faire passer en zone ennemie.".

 

Tout au long des audiences, la Cour criminelle s’est illustrée par de nombreuses déclarations politiques de la part de magistrats aux ordres du régime, confirmant ainsi qu’on assiste bel et bien à un procès politique.

Si un procès a pour but de rechercher la vérité, de situer les responsabilités de chacun afin de juger et de punir dans le respect de la loi – en l’espèce, il n’y a même pas de loi – alors ce qui se passe au Tchad est une grossière comédie.

 

Le régime Deby a listé, un certain nombre de personnes, travaillant dans les services de sécurité sans se soucier de leur rôle exact. On a ainsi vu un de ces responsables dire aux juges qu’à la date des faits cités par le plaignant, il n’était plus dans ce service depuis des années mais le juge ne voulait rien savoir, il l’avait sous la main et c’est tout. Ces accusés sont désignés comme responsables, inculpés, seront jugés et condamnés. Le schéma retenu est celui de la confrontation plaignants-accusés, mais il a révélé à l’assistance que les plaignants ont montré de nombreuses défaillances dans leur récit, beaucoup d’imprécisions, d’appropriation pour leur compte de ce que les gens disaient dans le quartier, pour pointer des responsables des services de sécurité. Est-il étonnant, dans ces conditions, que le public tchadien ait complètement déserté la salle d’audience ?

 

Autre chose, au vu de ce qui se passe au Tchad, on ne peut pas parler de procès de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et actes de torture.

 

Le régime de DEBY en choisissant de refuser la collaboration avec les CAE, en reniant ses engagements essentiels découlant des accords de création du statut et de la mission des CAE, a montré qu’il s’inquiétait énormément du déroulement et de l’issue de ce procès. Dés lors, la présomption de culpabilité pouvait s’appliquer directement à lui. Malgré la violation de ses engagements avec l’UA mais aussi le Sénégal, grâce aux pétrodollars, aucune désapprobation, ni même une simple critique par allusion n’a été entendue. Bien au contraire, on s’en est accommodé et de fait, une prime a même été donnée à celui qui viole ses engagements, qui sape le processus qu’on souhaitait et clamait "juste et équitable" à force campagne médiatique, et le réduit ouvertement et publiquement à une grotesque farce judiciaire.

 

On a ainsi vu des magistrats se tortiller pour entrer dans la camisole façonnée par Deby sans se soucier des principes de Droit et de procédure, car, guidés par les consignes politiques du pouvoir de Macky SALL.

 

Les juges des CAE, le Consortium d’agences de communication et les ONG sont tous conscients de cette farce judiciaire qui se déroule au Tchad, et c’est pourquoi, ils ont gardé les médias sénégalais à l’écart pour éviter un effet désastreux sur le procès à venir. Il n’est plus question de voyages clés-en-mains au service des CAE. Les journalistes, du moins, certains ont déjà été sérieusement ébranlés par le régime de terreur de DEBY, selon leurs propres  termes. Les journalistes sénégalais se seraient aussi interrogés devant la salle d’audience aux trois quart vide, sur l’engagement du Président Macky SALL dans l’affaire Habré.

 

Ce qui est important à comprendre, c’est que le régime de Deby en s’opposant au transfèrement des co-accusés craignait avant tout qu’Idriss DEBY ne soit pointé du doigt. Il s’est donc protégé en gardant sous sa coupe les co-accusés. Dès lors, comment les juges des CAE pourront-ils enjamber Idriss Deby pour arriver au Président Habré ?

 

Le Procureur Mbacke Fall n’a eu de cesse, lors de ses sorties médiatiques, d’assener qu’il ne peut y avoir une disjonction de la procédure, qu’il s’agit d’une seule et même affaire devant être jugée par les CAE et d’ajouter : le transfèrement des co-accusés est la condition sine qua none pour que le procès ait lieu et soit crédible. Depuis le refus du Tchad, le Procureur Mbacke Fall est devenu muet, les CAE, déjà gravement entachées d’illégalité, perdent aussi et désormais toute crédibilité. Juridiquement, elles n’ont jamais existé, à présent, elles ont perdu le semblant de considération qu’une certaine caste intéressée s’efforçait de lui donner par tous les moyens.

  

La cellule de communication
http://www.hisseinhabre.com
Email :
habresp@gmail.com

 

1224 Vues

Il n'y a pas encore de commentaire pour cet article
Vous devez vous connectez pour pouvoir ajouter un commentaire