L’ancien président tchadien, Hissein Habré, a été arrêté dimanche dernier, avant d’être placé sous mandat de dépôt par la Commission d’instruction près des Chambres Africaines Extraordinaires. Il est poursuivi pour crime contre l’humanité, crime de guerre et torture. Au moment où le pool d’avocats de M. Habré boycotte toutes les activités judiciaires des Chambres Africaines Extraordinaires, Mamadou Mouth Bane, Conseiller en communication de l’ancien président tchadien, a bien voulu accorder à Dakaractu une interview. Dans cet entretien, M. Bane donne son appréciation de la procédure judiciaire enclenchée, avant de dénoncer le manque de neutralité notoire de la justice.

 

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DAKARACTU.COM
 Avant tout Mr. Bane, quelle lecture faites-vous du dossier judiciaire de l’ancien chef d’Etat tchadien, Hissein Habré, placé sous mandat de dépôt le mardi 02 juillet dernier, par la Commission d’Instruction des Chambres Africaines Extraordinaires, après 48 heures de garde-à-vue ?
 



Vous savez, nous sommes en face d’un Gouvernement avec «sa» justice qu’il utilise comme arme politique. Dans ce pays, tout est maintenant possible, dans le mauvais sens, je veux bien dire. Ce serait une exception de voir Macky Sall et son groupe respecter les procédures et organiser un procès équitable au président Habré. Ils ne l’ont jamais fait. Rappelez-vous l’affaire Béthio Thioune, le dossier Karim Wade, où des procureurs accusent ouvertement le respect de la présomption d’innocence. 



Ce que le procureur des Chambres Africaines Extraordinaires a fait est inqualifiable. Dans cette affaire tout comme dans les précédentes, c’est la Gendarmerie qui est encore utilisée comme arme contre les citoyens. Le domicile du président Habré a été violé. Le procureur s’est permis de dire que le président Habré est armé. C’est une manière de le dénigrer,  le diaboliser et le présenter devant l’opinion comme une personne dangereuse. Mais les Sénégalais savent qui est Habré. Ils le portent dans leur cœur. J’en veux pour preuve les nombreux messages de soutien que nous avons reçus. Mêmes des Ministres du Gouvernement, des députés et de hautes personnalités nous ont envoyé des messages de soutien. 



Donc dire que le président Habré détient des armes chez lui, relève de la diffamation impardonnable. Mais en fait, quel est le père de famille qui n’a pas d’arme chez lui, un pistolet, un coupe-coupe, un fusil, un couteau ou un bâton ? Lui-même devrait en disposer. Ce n’est pas pour rien que le Ministre de l’Intérieur délivre des permis de port d’arme. Ces permis on ne les donne pas à des animaux que je sache. Il y a trop de théâtre, trop de mise en scène dans cette affaire. 



L’arrestation du Président Habré ne repose sur aucun fondement juridique. Je dis que c’est même suspect d’arrêter le président Habré au terme de la visite du procureur M’backé Fall, à Ndjamena. Que s’est-il passé là-bas ? A-t-il reçu des instructions de Déby (actuel président tchadien) ? Les Sénégalais veulent savoir.  



Tous les rapports d’enquête dont on parle sur des crimes qu’aurait commis Habré, des tortures et autres sont faux. Le procureur a reçu des copies de rapports d’enquête réalisés par un procureur de N’djamena nommé et payé par Déby. Où est la liberté dans cette affaire ? 



Ils sont allés dans les cimetières, photographié et filmé des morts pour les présenter comme des victimes de Habré. Ils ont déterré des cadavres morts depuis la guerre entre le Tchad et la Lybie. C’est horrible et inhumain.  Le président Habré n’a ni tué, ni commandité des crimes. C’est un homme propre. S’il y a une personne qu’il faut arrêter c’est bien Déby qui a assassiné l’opposant Omar Ibni Saleh et d’autres opposants sans compte les 977 personnes qu’il a tué en 2008 selon un rapport du Département d’Etat américain. Depuis 1990, Déby a fait disparaitre des milliers de personnes. Certains Tchadiens n’osent plus rentrer dans leur pays. Et c’est cet homme qui donne des leçons et coache les Chambres africaines



Le pool d’avocats de Hissène Habré, lors de sa conférence de presse du mercredi 03 juillet, a décidé de ne plus reconnaitre les Chambres Africaines Extraordinaires. Croyez-vous que c’est une bonne option après l’entame de la procédure judiciaire ?
 



Ecoutez, le Président Habré a les meilleurs avocats. Mais le jour de son kidnapping, le président n’avait pas eu le temps de consulter ses avocats. Même le jour de son audition, ses avocats ont été interdits d’accès. Ce qui prouve que ces gens ne sont pas prêts à respecter ses droits. 



Ce que les sénégalais ne savent pas, c’est que le président Habré maitrise mieux le Droit que tout le personnel des Chambres africaines en commençant par l’Administrateur, le procureur général jusqu’aux greffiers. Habré a fait ses études en France en 1963, à l’Institut des hautes études d’Outre-mer. Il a étudié le Droit à Paris et a fréquenté l’Institut d’études politiques de Paris. Il était membre de la Fédération des Africains Noirs de France (FEANF). Il peut se défendre seul. Habré est un grand juriste. Un éminent intellectuel africain. Il n’est pas comme nos Chefs d’Etat béni-oui-oui qui courbent l’échine devant Obama ou Hollande. 



Il sait que ces Chambres africaines n’ont aucune légitimité devant la Cour de Justice de la CEDEAO par exemple. Les Chambres africaines sont comme la CREI. Ce sont des structures kleenex créées uniquement pour liquider des personnes jugées gênantes. 



Les avocats Me El Hadji Diouf, Me François Serres, Me Ibrahima Diawara maitrisent le dossier et les textes. Ils savent que le président Habré est condamné, avant même la mise en place des chambres. Tout cela n’est rien d’autre qu’une mise en scène. Nous avons tous vu l’appel d’offres pour la construction de sa prison. C’est du jamais vu. Ils ne prévoient même pas un non-lieu pour le président. Pas de présomption d’innocence. Et on les comprend. Car Déby n’a pas donné ses 4 milliards de FCFA pour que Habré sorte libre de ce procès téléguidé.  Ils ont créé leurs Chambres africaines seuls, des institutions contestées par le professeur Kader Boye, l’un des plus grands professeurs de Droit d’Afrique. Ils ont kidnappé le président, seuls. Qu’ils le jugent seuls et le condamnent seuls. Tout ce que nous leur disons c’est qu’il ne finisse pas comme a fini Koukoy Samba Sagna. 



Barack Obama a tué Ben Laden au nom de la fameuse lutte contre le terrorisme. Nicolas Sarkozy a assassiné Khaddafi au nom de la démocratie. Bush a éliminé Saddam Hussein au nom de la lutte contre la bombe atomique. Maintenant c’est au tour du Président Habré. De toute façon, même s’ils le condamnent, le successeur de Macky Sall va le relaxer purement et simplement. Le Sénégal aura un président qui saura dire non aux occidentaux. 



A vous entendre parler, ces Chambres Africaines Extraordinaires sont loin de faire bonne presse dans votre camp. Que préconisez-vous enfin pour un jugement de Hissène Habré ?
 



Rires… Ces Chambres n’ont rien d’africain. Ces chambres ont été créées à un moment où l’Unité africaine n’avait pas de Président. C’était lors du vote pour élire un nouveau président. Le juge béninois récemment limogé Robert Dossou est venu à Dakar pour signer le protocole d’accord avec le Garde des Sceaux Mme Aminata Touré. 



Plus grave encore, l’Administrateur des Chambres Aly Ciré Bâ fut procureur Général représentant le Ministère public en 2000 dans cette même affaire. Il défendait les supposées victimes. Aujourd’hui, il est juge et partie. 



Parlons du financement du procès. On parle tant tôt de 8 milliards de FCFA, tant tôt de 18 milliards de FCFA selon un document publié dans certains journaux. D’une part, il faut qu’on nous dise le montant exact et le compte dans lequel il est logé et la personne qui ordonne les dépenses. C’est cela la transparence. 



D’autre part, nous estimons qu’on peut organiser un procès sans qu’Idriss Déby donne son argent. Le Sénégal pouvait mettre en place la 

juridiction et abriter le procès, la Communauté internationale finance sans que le président Tchadien ne débourse de l’argent. C’est pour garantir la neutralité des Institutions et la liberté des Magistrats face à ce régime corrompu du clan des Itno. Ainsi, les Chambres pourraient interpeler Idriss Déby dans ses responsabilités dans cette guerre. Malheureusement ils ont défini leur champ juridique et leur cible principale c’est Habré. 


Vous savez, le président Habré a vu son honneur bafoué par des valets des occidentaux. Lui qui a été trainé dans la boue pendant plus de 23 ans, est plus pressé que tout le monde pour la tenue du procès. Mais nous voulons un procès équitable et dans le respect des textes et des droits des uns et des autres. Le président Habré est lui-même victime. En plus que faire des décisions de la Cour de Justice de la CEDEAO qui a clairement dit que le Sénégal ne peut pas juger Habré ? Le « je m’en foutisme » est érigé en mode de gouvernement. 



Nous regrettons de remarquer que ces Chambres africaines font partie du patrimoine personnel de Déby qui souhaite la mort à Habré. Comment voulez-vous que M’backé Fall et sa cour jugent de manière équitable le président Habré dans ces conditions ? C’est de l’escroquerie. Le peuple sénégalais, africain et les honnêtes citoyens du monde ne l’accepteront pas. Nous sommes tous des Habré !

 


Source : dakaractu 
 

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