Son époux, accusé de tous les péchés d’Israël, et en prison, depuis presque un an, l’ex-Première dame de Tchad est une femme choquée et meurtrie. Dans l’entretien qu’elle nous a accordé, la femme de l’ancien homme fort de N’djamena, Mme Fatime Raymonne Habré fait le procès du régime de Macky Sall et des élites africaines. 

Mme Habré, votre époux est en détention, depuis un an, comment vivez vous cette épreuve, après 23 ans d’exil au Sénégal ? 

C’est une épreuve difficile, dure, pour moi, pour mes enfants et pour toutes nos familles. C’est terrible de constater la fragilité d’une situation, l’absence de droits dans un pays, où nous avons vécu presque un quart de siècle, mis au monde des enfants et enterré nos parents. C’est aussi profondément injuste, car finalement, par la seule volonté d’un homme, le Président Macky Sall, le Président Hissein Habré a déjà passé un an en prison. Si une telle chose a été possible dans un système démocratique, cela signifie que ce système est malade. Depuis l’enlèvement du Président, je fais face à beaucoup de problèmes au quotidien qu’il faut régler, et ce, tout en continuant à gérer la maison, à m’occuper de mes enfants, de leur éducation, à les soutenir aussi dans cette épreuve qui leur est imposée dans un pays qui les a vus naître, où ils ont toutes leurs attaches et leurs amis. Je me rends aussi, chaque jour, à la prison, pour voir le Président, lui porter les repas, échanger, etc. Cette épreuve est injuste, car nous n’avons rien fait à ce pays, à ses dirigeants, ni jamais nuit à leurs intérêts. C’est beaucoup de travail aussi au quotidien pour faire face à cette grande coalition internationale : Sénégal, Tchad, Union européenne (Ue), Union africaine (Ua), Belgique, France, Chambres africaines extraordinaires (Cae), Consortium, Organisations non gouvernementales (Ong) et leurs démembrements. Donc, je travaille aussi avec nos avocats pour le pool juridique, nous avons aussi le pool médiatique, nous avons le pool stratégie et défense. Et enfin, beaucoup de prières au quotidien, pour que le Tout-Puissant nous protège d’eux, de leur cynisme, de leur détermination, à nous utiliser, pour leurs intérêts politiques et financiers, et que leur complot échoue. 

Vous avez écrit plusieurs lettres ouvertes au Président Macky Sall. Vous a-t-il répondu ? 

Je lui ai adressé 4 lettres à ce jour, car il était important pour moi qu’il sache ce que j’ai dans le cœur, ce que nous pensons de son action contre nous. C’était des lettres ouvertes. Donc, l’objectif était aussi de faire passer ce message à toute l’opinion. Comme réponse, à mes lettres, j’ai vu s’ériger des murs dans leurs cœurs et dans leur esprit. Ces murs qu’ils ont construits leur permettent de ne pas nous voir, nous, nos enfants, nos familles, nos émotions, et tout le mal qu’ils nous font. 

Que comptez-vous faire devant ces murs que vous voyez autour de vous ? 

Ils ont déployé une énergie désespérée pour dresser ces murs, ces barbelés sur le plan politique, sur le plan judiciaire, sur le plan médiatique. J’aurais préféré voir devant moi des ponts qui ont toujours permis aux hommes, aux peuples de se reconnaître, de se rencontrer, de se parler et qui, en fin de compte, sauvegardent l’espérance qui donne un sens à l’humanité. Leurs murs ne donneront que des ruines. Mais je reconnais que construire un pont est beaucoup plus difficile. 

Est-ce que vous avez saisi le Président de l’Union africaine pour contourner ces murs ? 

Vous remarquerez que dans l’histoire des murs, on n’a jamais réussi à les contourner. Le mur de Berlin, par exemple, n’a pas été détruit par des bombes, mais par la mobilisation de femmes et d’hommes qui, pour recouvrer leur liberté et leur dignité, l’ont fait tomber pratiquement à mains nues. Je ne cherche pas à contourner ces murs, ils symbolisent l’enfermement de leur esprit, leur isolement et ne produiront rien de positif. Par rapport à la saisine du Président de l’UA, je ne peux rien dire pour l’instant. 


Mme, comment le Président Habré supporte-il cette épreuve ?


Il la vit comme toute personne qui subit une injustice, une trahison, ou qui a reçu un coup de poignard dans le dos. C’est un homme qui a beaucoup de ressources, qui sait parfaitement tout le jeu et les enjeux politiques qui sont négociés sur sa personne. Il a la conscience tranquille. Son action à la tête du Tchad devrait être jugée par le peuple tchadien, aujourd’hui, bâillonné et écarté du débat. Il a sauvé son pays et ne l’a jamais trahi. Il n’a jamais été ébloui par les pétrodollars de Kadhafi. Il a libéré le Tchad de l’occupation libyenne. Récupérer intégralement le territoire tchadien n’était pas suffisant face à la folie destructrice de Kadhafi. En homme d’Etat, il a sécurisé définitivement, sur le plan du droit, cette reconquête, en portant l’affaire de la bande d’Aouzou devant la Cour internationale de Justice de la Haye qui a donné raison au Tchad, en disant que Aouzou est une terre tchadienne. C’est à son courage et son engagement politique qu’on le doit, et si le peuple tchadien l’a suivi, c’est parce qu’il a su que son combat était sincère et qu’il ne le trahirait pas. Il en fut de même sur la question pétrolière. C’est un homme de parole, de convictions et de principes et n’a jamais été ce que nos « amis occidentaux » appellent « les roitelets nègres ». Quand on voit la situation au Mali, tellement semblable à celle du Tchad en conflit avec les forces d’invasion libyennes, on réalise que, se lever pour faire face à tous les défis, est loin d’être une mince affaire. C’est la question centrale qui se pose aux élites africaines qui se distinguent, aujourd’hui, par leur démission et leur complicité, pour brader les intérêts de leurs pays aux puissances étrangères. Constatons le décalage et le déphasage des aspirations de cette élite qui se mobilise pour liquider le Président Hissein Habré, dans une Afrique, aujourd’hui, soumise à la politique du chaos, voie idéale pour une remilitarisation économique de nos pays.
 

Barka Isma BA 

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