4 septembre 2013 TCHAD/Sénégal/Affaire Habré: Me François Serres répond à Pierre Sané.
L’affaire Hissein Habré, une injustice sénégalaise, un coup d’Etat judiciaire, dans une Afrique amnésique. J’ai, sans vous connaître, Monsieur Sané de l’admiration pour vos travaux, votre itinéraire et votre œuvre de défenseur des droits de l’homme, et celle de l’organisation que vous avez présidé. Mais, Dieu seul sait ce qui vous a fait sortir de l’Université de Kyung Hee pour revisiter à l’improviste l’affaire Hissein Habré.
Et pourtant, voir un tel défenseur des droits humains, drapé dans la toge de Papa Noël, proclamer sa foi absolue et sans réserve dans les magistrats, dans l’ignorance absolue des contours de l’affaire Hissein Habré ne peut que surprendre.
Ainsi, vous vous félicitez d’une arrestation (qui au sens du code pénal sénégalais ne peut être qualifiée que de kidnapping), vous rapportez sans aucune distance que le Président Hissein Habré serait accusé d’être présumé responsable de certains crimes (autre qualification qui fait litière de toute présomption d’innocence), pour enfin soutenir qu’il a « échappé » jusque-là à différentes tentatives de poursuite judiciaire (portant ainsi atteinte à la qualité des jugements rendus par la justice sénégalaise qui ont l’autorité de la chose jugée).
Curieux abus de langage de la part d’un défenseur des droits humains ! Voyez-vous, ce que m’a appris -entre autres- l’affaire Habré, c’est que ces ONG dont vous saluez le travail n’ont qu’un parfait mépris pour ce droit humain qui s’appelle le (s) droit (s) de la défense, et que dans la balance de la justice, cet autre droit que vous appelez le droit des victimes (non pas des prétendues victimes du Président Hissein Habré puisqu’il est présumé innocent) doit passer coûte que coûte et à n’importe quel prix.
Or, cette balance déséquilibrée, condamnée par le droit international, ne peut servir de fondement à la justice universelle que vous appelez de vos vœux, puisqu’elle n’est que la résultante d’un choix ciblé –ou mieux pour reprendre votre expression- d’une traque politique qui ne peut certes engendrer le processus de réconciliation qui devrait en être le but ultime.
Ah Monsieur Sané, relisez donc, vous qui avez pris, à vous lire aujourd’hui, rapidement position sur la situation politique en Côte d’Ivoire en mars 2011 et en faveur du Président Gbagbo, les rapports des ONG sur la Côte d’Ivoire, pour vous réapproprier les principes d’équité et de justice qui doivent gouverner la création des organes judiciaires internationaux et la mise en œuvre de leurs procédures (« non ciblées »).
Vous célébrez avec tant d’emphase, et d’« innocence » ce « Sénégal -qui-donne l’exemple au monde entier »…..,cette « nouvelle ère de justice sur le continent africain »…… « l’arrivée d’un nouveau régime plus respectueux du droit international »…..autant d’évènements de « portée historique pour l’affirmation de l’institution judiciaire en Afrique », alors que le premier acte des Chambres Africaines Extraordinaires, marqueur historique de cette tragédie judiciaire, a été le lancement d’un appel d’offres à l’effet de construire une nouvelle infrastructure pénitentiaire à l’attention d’un Président condamné d’avance.
Chambres Africaines Extraordinaires ou Sections Spéciales Sénégalaises, tant le parallèle est frappant, -s’agissant d’une juridiction purement nationale contrairement à ce qu’affirment les autorités sénégalaises-, dans cette volonté de violer le principe de non rétroactivité du droit pénal.
Ah oui, l’arrestation -au petit matin- et la mise sous mandat de dépôt de l’ancien Président Habré, « un événement inédit », dites-vous ? Vraiment inédit ? Des forces policières censées vous protéger qui pénètrent chez vous par la ruse, violent votre domicile, sous les yeux de vos enfants, hors de tout mandat d’un juge, sur l’ordre illégal d’un magistrat du parquet, en dehors de toute enquête, vous kidnappent puisqu’il n’y a pas d’autre qualification, vous détiennent illégalement, refusant le droit à la visite d’un avocat, et vous conduisent devant des juges qui après avoir dénié aux avocats le droit d’accès au dossier et de présenter leurs observations, vous notifient une inculpation construite sur un dossier à charge qu’ils n’ont même pas eu le temps de lire, avant d’ordonner une mise en détention rédigée à l’avance…Cela ne vous rappelle donc rien ? Ou faut-il puiser des exemples dans les multiples références historiques que vous citiez dans votre propos ?
Bien sûr, vous évoquez ce long combat contre l’impunité et comment ne pas partager ce point de vue, mais pensez- vous que Macky Sall ait été élu par les sénégalais pour faire triompher ce combat ? Est-il dérangé de siéger plusieurs fois par an aux côtés d’Idriss Déby sur lequel vous restez étrangement silencieux ; quel appréciation faites-vous des crimes du régime depuis 1990 jusqu’à 2013 ? Avez-vous avec Reed Brody manifesté l’intention de mobiliser les ONG, la CPI ?… Lire la suite sur le site officiel du président Hissein Habré