Témoignage sur un génocide couvert par le mépris de la politique. Comme au Rwanda en 1994 contre les Tutsi et actuellement en RCA contre les Tchadiens, dans le Sud du Tchad entre 1979 et 1984, des innocentes populations musulmanes ont été sauvagement massacrées à coup de machettes et de fusils. Le criminel se nomme Kamougué aujourd’hui disparu, mais certains co-auteurs sont toujours vivants tels des fossiles.  
 

Défaites à N’djaména en 1979 par les FAN d’Hissein Habré et les FAP de Goukouni Weddeye, les FAT dirigées par Félix Malloum et Kamougué font organiser le pogrom de quelques 1500 musulmans vivant dans les villes au Sud du Tchad.
 

Ces dernières années j’ai observé avec satisfaction que la plupart des crimes commis sur le sol tchadien, par des Tchadiens contre des Tchadiens ont été dévoilés. Certains de ces crimes sont déjà devant les tribunaux internationaux, tel que les crimes commis par le régime d’Hissein Habré.

Sarh, c’était un samedi (je ne peux me rappeler de la date exacte) les rumeurs faisaient bon cours, comme quoi Moundou était nettoyé des musulmans par le Colonel Kamougué. Dans la foulée on apprend que, dans la nuit ce samedi, le quartier Zéribé de Sarh dénommé quartier arabe fut détruit par les hommes du Colonel Kamougué. La communauté musulmane de Sarh entra, par la suite, dans une vraie psychose. La tension monta au maximum. On ne savait où se donner la tête.
 

Dimanche le lendemain, on convoqua toute la communauté musulmane à une réunion au commissariat, près du Marché Central de Sarh. Au bout d’un moment le Colonel Kamougué, parut juché sur une jeep de commandement et en tenue militaire. Le porte-parole de la communauté musulmane était l’Imam Ahmad Abakar, un Ouaddaien, il a survécu au pogrom mais décédé il y a cinq ans à peut près à N’djaména. Il fut l’imam de la mosquée centrale de Sarh (qui était la seule mosquée où l’on tenait la prière de vendredi à l’époque) sise au quartier Kété Gala, près du marché. Le Colonel Kamougué déclara qu’il va procéder à tuer tous les membres des ethnies Kanembou et les Goranes, deux ethnies, selon lui, dont la grande majorité des combattants d’Hissein Habré et de Goukouni étaient issus. Il continua en disant que les membres des autres ethnies n’allaient rien à craindre. La réponse de l’Imam était aussi rapide que violente « Khal bat hanak ! da hitta ana kirdi. Alyoum Kanoumbou ma’a Gourane, ambakir waddai, boukra boulala, wa bad kabaail aakhar » traduction : « Menteur ! Cela est un plan d’un mécréant ! Aujourd’hui les Kanembou et les Gouranes ; demain sera le tour des Ouaddaïens et les Boulala, après demain les autres ethnies »
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Très fâché par la réaction de l’Imam, dans la nuit de dimanche le Colonel Kamougué procéda à appliquer son plan de nettoyage. Il procéda à liquider les éléments musulmans au sein de l’Armée tchadienne. Pendant toute la nuit, les enfants et femmes de ces soldats musulmans venaient informer l’Imam que l’on vient d’égorger leurs pères. A chaque fois l’Imam répond : «daffounou fi bét hanaou» veut dire : « enterrez le dans sa maison », comme on ne pouvait pas les amener au cimetière.


Entre dimanche et jeudi, le Colonel Kamougué, sillonnait la ville, toujours juché sur sa jeep et en tenue militaire, et ses hommes tuaient les musulmans qu’ils croisaient. Le commandant de la Brigade un certain Allafi, un gaillard de même taille que Kamougué, était armé d’un coupe-coupe et tuait tout musulman avec cette arme. Raison évoquée : il était blindé, donc il n’avait pas besoin de fusil.


Le vendredi, Colonel Kamougué, ordonna le quadrillage des alentours de la mosquée par les éléments de l’armée tchadienne acquis à sa cause. Ils empêchaient les musulmans qui tentaient d’entrer dans la mosquée pour la prière hebdomadaire de vendredi. L’Imam Abakar Ahmad somma les fidèles d’entrer dans la mosquée au crie d’Allahou Akhbar. Les fidèles ont, en conséquence, forcé leurs chemins vers la mosquée.  

 

Au moment où l’Imam présentait son sermon, le Colonel Kamougué entra dans la mosquée, entouré de quelques-uns de ses éléments. Il marchait entre les rangs des fidèles et ordonna à l’imam d’arrêter le sermon. Voyant que l’Imam n’était pas intimidé par sa présence, refusant d’obéir à son ordre, Kamougué, prit une copie du Coran et le déchira devant les fidèles, puis quitta la mosquée.


Le samedi, il y a eu des batailles en ville entre les musulmans qui défendaient leurs maisons et les chrétiens qui attaquaient ceux-là. A ce moment là, l’Imam somma les musulmans de s’habiller en blanc pour être distinct des chrétiens. Dans cette bataille on a appris la mort d’un oncle du Général Malloum, président du Tchad de 1975 à 1979.


Le dimanche, Kamougué, a tenu un meeting au terrain de football, au cours duquel il demanda aux militaires et aux civils Sara de tuer tous les musulmans. A partir de 13 heures les militaires ont commencé à tirer dans toutes les directions et les civils s’y mêlent. Ils procédèrent à tuer les musulmans dans la rue en les accueillant d’abord par des insultes et des intimidations. Ils disaient par exemple « iy dayi baywa ?) Et les musulmans terrorisés répondaient avec une voix bases « mam guiyal », les agresseurs répliquaient « maa may mounday» «doum madjal !» (Traduction : c’est vous les rebelles ? – Nous sommes des civils – C’est pareil, des musulmans, des rebelles).


Dans l’impossibilité de protéger ses gens, l’Imam ordonna les musulmans de quitter la ville et là l’exode s’ensuivra. Hommes, femmes et enfants prirent la direction du fleuve Chari, par la direction des Douanes, en groupe de 500 et 600 personnes. Voyant cette scène pathétique, malgré l’ordre de Kamougué, la plupart des soldats ont renversé leurs fusils et se sont mis à garde à vue. Les civils Saras ont commencé à piller les maisons et magasins des musulmans fuyant la ville.  

 

Malgré le fait que le fleuve était à son comble, l’exode a pu la traverser, par miracle. Une scène qui rappelle l’exode des juifs, dirigé par le Prophète Moïse. Après la traversée, la marée humaine se scinda en deux : un groupe prendra la direction de Kiyabé et un autre dont je suis membre prendra la direction de Kouno axe Bousso. On s’est rendu compte par la suite que le premier a péri aux mains des extrémistes sara.


Pendant le trajet de Sarh, par Dalémadji et Moro jusqu’à la SONASUT (à 25 km de la ville) nous sommes passés par des musulmans tués et pendus aux manguiers.
 

Nous avons atteint Boussou après 17 jours de marche à pied. Le chef de canton de Boussou nous a bien accueilli. Il égorgea un mouton à chaque petit groupe. Nous sommes restés pendant 3 jours à Boussou et avons quitté en camion pour Tchiguina.

A Tchiguina, nous sommes tombés sur une bataille rangée entre les éléments de FAT(Kamougué) d’une part et ceux des FAN-FAP(Hissein-Goukouni) d’autre part. Nous avons vu des cadavres partout dans la rue. Nous sommes restés pendant 2 jours à Tchiguina et avons quitté pour Dourbali (zone sous contrôle FAN-FAP) puis N’djaména. C’était la fin du calvaire, au moins pour notre groupe.

 
Avant de finir je veux faire quelques précisions très importantes : la seule communauté épargné par le pogrom était les Bornouans qui se sont désolidarisés des musulmans en disant qu’ils étaient des Nigérians et n’avaient rien à faire avec le conflit. D’autre part les tribus sudistes qui ont refusé de prendre part au pogrom étaient les Sara Kaba et les Banana. Ce qui m’étonne dans tous cela c’est que, non seulement ceux qui ont planifié, commandité et exécuté ce pogrom se promène en toute liberté, mais ils sont glorifiés, responsabilités et même comptés parmi les grands hommes politiques. Et comme leurs crimes contre le peuple Tchadien ne suffisaient pas, ils appellent encore à la haine et la division des Tchadiens.

Par cette occasion je lance un appel pressant à toutes les organisations de droit l’homme, nationales et internationales, d’œuvrer en sorte qu’il y ait une enquête internationale sur ce crime et les coupables soient punis. Quant à moi je suis prêt à témoigner devant n’importe quel tribunal, où il se tiendra et prêt à coopérer avec n’importe quelle commission d’enquête nationale ou internationale. Par la même occasion, j’invite toute personne ayant des éléments d’information sur ce sujet, de nous contacter à l’adresse suivant : avipros@hotmail.com et s’associer à L’ASSOCIATION DES VICTIMES DU POGROM DU SUD avec comme acronyme (AVIPROS).

Par Omar Adam Maidou

Milan, Italie 
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