Les remaniements ministériels sont devenus une chose de jeu au Tchad. Alors qu’ailleurs un ministre est nommé pour un long temps, ici, on le change comme on change une chemise. Aussitôt arrivé, le temps de s’installer, il est mué à un autre poste au mieux. Au pire, il est complètement chassé du gouvernement. Cette instabilité dans la fonction ministérielle est devenue une caractéristique du régime de Déby. La population, ou plus précisément les intellectuels tchadiens en raffolent. Et Déby, grand seigneur, leur en prodigue. Cela lui permet de faire d’une pierre plusieurs coups dont deux sont visibles pour le grand public : satisfaire cette catégorie de personne et placé ses affidés. Les autres coups sont uniquement connus par les initiés. Des milliers de ministres ont transité dans les gouvernements pendant ces 23dernières  années. Parmi eux, il y a ceux qui n’ont fait que quelques semaines, le temps de vie d’une fleur. Un passage éclair qui devrait figurer dans le Guinness des records.

Qu’à cela ne tienne. Depuis jeudi 17 octobre, le Tchad a un nouveau gouvernement conséquence d’un cinquième remaniement en moins d’une année de l’équipe qui a à sa tête Djimrangar Dadnadji. La particularité de ce gouvernement, c’est l’entrée de la famille du président. Si son frère Daoussa va siéger désormais au côté du PM, il y a également Mme Haoua Acyl, cousine de l’épouse du président Hinda Déby. Sans compter d’autres personnalités qui sont, de nature ou par leur proximité avec le clan au pouvoir, réfractaires à l’autorité et doté d’un égo démesuré. Le problème, c’est la bonne marche de cette équipe qui va en pâtir. Et le Tchad, me dites vous ? Hé bien il attendra.

Dadnadji doit s’arracher les cheveux. Comment concilier les intérêts (personnels) de ces poids lourds dans cette équipe. Qui de Dadnadji ou de Daoussa portera la culotte ? Comment le PM va faire pour diriger cette équipe ? Donnera-t-il des directives ? Mais à qui ? Lors de sa nomination le PM a déclaré quelque chose comme je suis l’ami des travailleurs et l’ennemi des paresseux. Son chef l’a bien entendu en lui formant une équipe à problèmes.

Dans la nouvelle équipe, on note également la présence d’un certain Adoum Younousmi. Ministre puissant il y a quelques années, il est aujourd’hui presque entré dans les rangs, après sa traversé du désert, mais garde toujours un peu de son aura ancien. Il parait que déjà à l’époque où il officiait dans les précédents gouvernements,  Younousmi  ne s’entendait pas avec le premier cercle familial de Déby et particulièrement Daoussa. Aujourd’hui ils se retrouvent dans le meme bateau. Les vieilles rancœurs vont-t-elles resurgir ou assistera-t-on à une paix de brave pour privilégier les intérêts ? A voir.

Aujourd’hui, au Tchad, et cela dure depuis longtemps, la compétence n’est pas mise en avant. Le nivellement se fait toujours par le bas. Les meilleurs sont à la touche et ceux d’entre eux qui arrivent à s’introduire dans l’équipe du régime deviennent comme les autres. Comme quoi, le milieu a une influence considérable sur l’individu.

La façon de gérer le Tchad par Déby n’est plus du machiavélisme. C’est bien plus ou pire. C’est du débyisme : une politique tournée entièrement et totalement pour l’intérêt d’un seul individu. Les jeux des chaises musicales, les mises en touches des cadres, les emprisonnements des personnalités, les déchéances et la réhabilitation des ministres et différents responsables nationaux, tout cela ne procède que d’un seul et unique objectif : rester indéfiniment au pouvoir en annihilant toute volonté de contestation.

Al-Hadj Abou-Diguine

Abou.diguine@gmail.com

 

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