C’est un dossier de 600 pages relié d’une couverture de cuir rouge. Un dossier qui raconte en détail toutes les bassesses de la curie romaine et qui donne un nouvel éclairage sur la démission de Benoît XVI

 

Il faut, pour bien comprendre, remonter aux heures noires de l’affaire Vaticaleaks. La publication par la presse italienne de documents volés dans le bureau du pape lève un premier voile sur les moeurs des hommes qui sont censés porter la parole de Dieu et seconder le souverain pontife. Clans opposés les uns aux autres, querelles de personnes, scandales financiers et sexuels : le tableau est édifiant. Ce n’est pourtant qu’une infime partie de la "saleté" de l’Église, pour employer une expression de Benoît XVI.

 

Livre noir

 

Le pape convoque alors une commission de trois cardinaux : Juan Herranz, Josef Tomko et Salvatore De Giorgi. À ces trois proches auxquels il fait entière confiance, il confie la mission de découvrir l’origine des fuites. Et Benoît XVI investit la commission de son autorité pontificale. Aucun prêtre, aucun prélat, aucun laïc qui fréquente le Vatican ne pourra se soustraire aux interrogatoires. Mais les trois limiers ne se limitent pas à chercher le corbeau. Aux cours de leurs interrogatoires, ils recueillent des aveux et des accusations sur la vie cachée du Vatican, les petites et les grandes fautes des uns et des autres. Ils recoupent les témoignages pour arriver au plus près de la vérité.


Le 9 octobre dernier, les trois cardinaux confient ce "livre noir" du Vatican à Benoît XVI. Selon la presse italienne, au cours de cette audience tragique, les enquêteurs font un résumé oral au pape. Et ils évoquent l’existence dans les rangs de la curie de factions, dont un très influent lobby gay. Des lieux de rencontres homosexuelles fréquentés par des ecclésiastiques sont signalés. Il est fait référence à des prélats soumis à des chantages pour leur non-respect du voeu de chasteté.

Selon le quotidien La Repubblica, devant ce déballage, Benoît XVI prend conscience de son impuissance face à une curie en pleine anarchie et sur laquelle il n’a plus d’autorité. Il forge au cours de ces heures la décision de renoncer au trône de Pierre.

 

 

Descendre de la croix

 

Affabulation de la presse italienne ? Peut-être. Mais Benoît XVI a bien reçu avant de démissionner les trois cardinaux de la commission. Une audience hautement symbolique qui souligne aux yeux du monde l’importance qu’il attache à leurs travaux. Le document restera secret, mais Benoît XVI le transmettra à son successeur, tels les codes de la bombe atomique que se transmettent les chefs d’État lors d’une alternance.

La démission de Benoît XVI apparaît donc chaque jour davantage comme un acte politique plutôt que l’aveu d’une déchéance physique. Un geste de rupture face à un système qu’il désavoue avec l’unique arme qu’il lui reste : descendre de la croix. Depuis son renoncement, à chacune de ses apparitions publiques, Benoît XVI dénonce les péchés des serviteurs de Dieu. "Le visage de l’Église est défiguré. Je pense en particulier aux fautes contre l’unité de l’Église, aux divisions dans le corps ecclésial", dit-il au cours de la messe d’entrée en carême. Lors de l’Angélus, il invite l’Église à "se rénover dans son esprit", à "renier l’égoïsme et l’instrumentalisation de Dieu pour le succès, les biens matériels, le pouvoir".

 

Des paroles qui résonneront aux oreilles des cardinaux lorsqu’ils se réuniront dans la chapelle Sixtine pour élire le successeur de Benoît XVI.

 

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